CGT : Rassembler et combattre




La CGT vit une crise historique. Basculera-t-elle définitivement dans un syndicalisme d’accompagnement ou va-t-elle opérer un redressement souhaitable vers un syndicalisme de lutte porteur de projets émancipateurs ? Le comité confédéral national du 13 janvier sera sans doute décisif.

Dirigée d’une main de fer par les militants du PCF, la CGT aura porté l’essentiel du syndicalisme de classe de 1947 au milieu des années 1960. Un syndicalisme de lutte porteur explicitement d’un projet ­d’émancipation socialiste. Le tout hélas largement entaché par les méthodes et des compromis propres aux staliniens de cette période. Mai 68 sera un tournant : la CGT dénonce et combat « les gauchistes » libérant une place sur sa gauche qu’occuperont des secteurs de FO et plus encore de la CFDT où se retrouvent la majorité des jeunes issu-e-s de Mai 68. Dans les années 1970/1980 le soutien au Programme commun puis le soutien sans faille au gouvernement PS/PCF entraîne la CGT toujours plus loin dans l’illusion réformiste.

Avec la chute des pays du bloc soviétique que la CGT soutiendra jusqu’au bout sous la férule de Krasucki, c’est finalement l’empire politique du stalinisme qui s’effondre. Les conséquences morales et politiques sur les militants sont énormes : démoralisation, cynisme, perte de repères… Privée d’une présence forte de militants anticapitalistes relevant d’autres idéologies qui auraient pu contribuer à une déstalinisation positive, la CGT est un champ de ruine idéologique et c’est sur ce terreau que vont fleurir les abandons progressifs de perspectives émancipatrices, l’affadissement de la combativité, la recherche d’avantages individuels.

Les forces en présence

S’il est délicat de se lancer dans une géographie précise, d’autant que les lignes bougent très vite et qu’aucune tendance n’est clairement formalisée, on peut distinguer cinq sensibilités pour tenter d’éclairer les enjeux :

– Dans la droite de la confédération, se retrouvent les militants ex-PCF proches de Robert Hue et les socialistes. Ils sont totalement surreprésentés dans les instances dirigeantes par rapport à leur présence réelle dans la confédération.

– Au centre, on trouve le ­ventre mou composé de bureaucrates souvent membres du PCF attachés à la survie de l’appareil pour assurer leur propre survie… et prêts à toutes les concessions pour y parvenir.

– À gauche d’autres militants du PCF, aujourd’hui traités de « gauchistes » par le groupe central (!), qui peuplent les instances intermédiaires et qui grognent depuis parfois vingt ans face à une évolution qu’ils n’approuvent pas. Pour cette mouvance-là les « affaires » auront été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Parce qu’il s’agit du groupe militant le plus nombreux et le plus proche des syndicats de base, son attitude sera décisive pour une sortie de crise positive. Il faut sans doute mettre ici aussi les quelques militants du PG et ceux d’Ensemble.

– Un peu plus à gauche mais non sans lien avec les précédents se retrouvent différents réseaux de militants dont certains ont rompu avec le PCF, le jugeant dorénavant réformiste. Ces réseaux ont porté, pour certains depuis le début des années 1990, de nombreuses batailles politiques dans la confédération. On pourrait les qualifier globalement de « post-staliniens » nostalgiques mais leur diversité est heureusement plus riche que cela d’autant qu’une partie importante de ces camarades sont maintenant retraités.

– Pour finir, les militants révolutionnaires ont une place qui s’est élargie. La confiance des travailleurs de leurs secteurs, l’ouverture à un certain pluralisme, le manque de cadres issus du PCF ont changé les regards sur les militants et militantes de LO, de la LCR et sur les communistes libertaires. Ceux du POI restent par contre marqués par leurs détestables pratiques. En fonction des rapports de force et parfois par choix, ils sont peu intégrés dans les organes dirigeants mais animent de ­nombreux syndicats de base.

Remettre la CGT sur les rails de la lutte

Pour être à nouveau schématique trois options sont sur la table : une victoire de l’alliance de la droite et du centre qui achèverait la transformation en CFDT-bis. Une victoire de la gauche en alliance avec le centre qui ne serait qu’un vague replâtrage. Une victoire de la gauche appuyée sur les courants plus radicaux qui permettrait de renouer, non pas avec le syndicalisme révolutionnaire, mais au moins avec une CGT combative porteuse clairement d’un projet de société anticapitaliste. Devant ce choix, le comité confédéral national (représentant toutes les fédérations et unions départementales) du 13 janvier sera décisif.

En concluant cet article j’ai bien conscience de donner une vision affreusement politicienne des choses. Il va sans dire, mais ce serait l’objet d’un autre article, que les militants communistes libertaires militent pour que la CGT retrouve le sens du fédéralisme, du contrôle des mandats et des permanents, de la démocratie directe et de l’autogestion pour un syndicalisme à l’image de la société dont nous rêvons [1]. Rien de tout ce qui précède n’a de sens sans une réappropriation de la CGT par tous les syndiqué-e-s.

Jean-Yves (AL 93)

 
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