Chronique : Ni Dieu ni maître d’école, « Francisco Ferrer et l’école libertaire » partie 2




Nous avons vu la formation intellectuelle et politique de Francisco Ferrer, penchons-nous sur la création de l’École moderne. Celle-ci va rayonner dans l’Europe de la « Belle Époque » et, se disséminant, atteindra Belém, qui connut cette période particulière du début du XXe siècle et vit également la création d’une école rationnelle dans un de ses bairros populaires.

1901, Barcelone. La première École moderne accueille ses élèves et pour
la première fois en Espagne, ce ne sera pas sous l’égide de l’État monarchique ou de l’Église catholique mais selon
les principes d’un homme pétri d’humanisme et formé à l’anarchisme
à traits scientifiques de son époque. L’Église, que l’on peut alors décrire comme une machine à créer des illettré.es obéissants et craignant la colère divine, exerce sur l’éducation une forme d’hégémonie qu’elle ne goûte que fort peu de voir remise en cause par un homme lié à un courant de pensée contestataire. De fait, les autorisations furent plus que difficiles à obtenir, et travailler sur un matériel sans connotation religieuse se révéla une entreprise ardue, au point que les ouvrages didactiques furent élaborés spécialement par et pour l’école.

Une des principales caractéristiques qui révulse le clergé et la société bien-pensante est la mixité. La co-éducation, comme elle est alors appelée, est évoquée ainsi par Ferrer dans une lettre envoyée en 1900 à son ami José Prats : « Mon plan est que l’école soit d’enseignement primaire […], mixte, c’est-à-dire, avec garçons et filles ensemble, comme à Cempuis. » On voit ici combien Ferrer place ce mode de fonctionnement au centre de son œuvre éducative en reprenant l’expérience
de Paul Robin et de son orphelinat
de Cempuis. Mais dans cette lettre,
on trouve un autre objectif central pour l’éducateur catalan : la lutte des classes. « Si pendant la journée elle servira d’école pour les enfants, le soir, elle servira aux adultes en donnant des cours de français, d’anglais, d’allemand, de taquigraphie et de comptabilité. En même temps, des conférences y seront données et il y aura un local disponible pour les syndicats et groupes d’ouvriers, les sociétés de résistance qui ne s’occupent pas d’élections ni d’améliorations de classe, mais travaillent à sa complète émancipation. »

Ainsi, l’école rationnelle de Ferrer propose clairement un objectif fondé sur les principes anarchistes et pose comme principe l’éducation tant de la jeunesse que des adultes en joignant dans un même lieu éducation scolaire et éducation populaire. Comme, en France, un certain Fernand Pelloutier et ses Bourses du travail.

De cette école-matrice vont surgir
un peu partout des Écoles modernes
en Espagne (de nombreuses Écoles modernes y existent déjà du vivant de Ferrer : 32 d’entre elles sont ainsi recensées dans le royaume ibérique au moment de sa mort) ainsi que dans le monde, et l’éxécution de Ferrer en 1909, sous un prétexte fallacieux, va donner encore plus de force à ce mouvement : New York voit naître
une Modern School en 1911, Lausanne dès 1910, et en 1912 c’est au tour
de la capitale économique du Brésil,
São Paulo, de fonder son école moderne... le début d’un mouvement auquel Belém do Pará participera quelques années plus tard...

Accattone

 
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