Chronique droit du travail : Griefs et fautes




Sylvie travaille depuis 2002 comme assistante maternelle au sein d’une association. Elle est agréée assistante maternelle depuis 1984 et obtient en 2007 le diplôme d’état. Brutalement, après dix ans de travail sans reproches au sein de l’association, la directrice débarque chez la salariée, cette dernière est en visite chez le médecin pour l’un des enfants et un ami garde chez elle les deux autres. À l’arrivée de Sylvie, la directrice retire les enfants. Le lendemain elle lance une procédure de licenciement pour faute grave.

Dans la lettre de licenciement, l’employeur reproche à Sylvie : une absence à un rendez-vous pédagogique ; une erreur dans l’administration d’un antibiotique ; une maison en désordre et pas assez chauffée ; des devoirs scolaires non faits à 18 h 30 ; trop de linge sale pas encore lavé ; une non-conformité de l’installation électrique ; des problèmes d’hygiène ; le repas du soir pas encore prêt ; et enfin d’avoir téléphoné aux grands-parents d’un des enfants pour les informer de la situation…

Dans cette liste à la Prévert le conseil des prud’hommes a dû faire le tri. Sur le rendez-vous manqué, le conseil a jugé que le caractère isolé de ce manquement n’en faisait pas un motif sérieux de licenciement ; sur le coup de téléphone aux grands-parents, l’association « n’apporte aucun élément démontrant l’interdiction pour un assistant familial » de contacter la famille des enfants ; sur la plupart des autres griefs, le conseil relève l’absence de compétence de la directrice pour établir un défaut électrique ; le renouvellement de l’agrément par les services compétents ; le contexte expliquant le désordre, les devoirs non faits, le repas pas encore prêt ; la subjectivité vis-à-vis de la température de la maison… En conclusion « les motifs énoncés ne seront pas retenus comme réels et sérieux ». Reste la cuillère de sirop antibiotique donnée en dehors d’une prescription médicale. Bien que le pédiatre ait affirmé que cela n’a pas eu de conséquences sur la santé de l’enfant, le conseil affirme que ce seul manquement constitue un motif réel et sérieux de licenciement. Ne retenant pas la faute grave, le conseil condamne l’association à payer l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis.

Par ailleurs le Conseil condamnera l’association à réparer le « préjudice moral compte tenu de la violence de la situation » de retrait immédiat et brutal des trois enfants, dont l’un accueilli par Sylvie depuis l’âge de un mois et demi. Finalement, si Sylvie a reçu plus de 20 000 euros à l’issue du dossier aux prud’hommes, elle a perdu son emploi pour une cuillère de sirop antibiotique donné à contre-temps, erreur que n’importe quel parent est susceptible de commettre et elle a été brutalement privée de l’affection qu’elle avait tissée avec les trois enfants à sa garde.

 
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