Chroniques du travail aliéné : « Tout le monde fait des heures supplémentaires sans arrêt et elles ne sont jamais payées »




CTA par Aline Torterat, médecin du travail
Violaine, responsable de centre d’appel, 51 ans *
« Tout le monde fait des heures supplémentaires sans arrêt et elles ne sont jamais payées »

* Seul le prénom est modifié, le reste est authentique.

J’ai pris la décision de démissionner. Je ne pouvais plus supporter ma responsable qui me harcelait. D’ailleurs, je pense à porter ça aux prud’hommes, j’essaie d’avoir des témoignages de collègues. J’ai donné ma lettre puis je suis allée voir mon médecin qui m’a mise en arrêt maladie. Je suis responsable d’un centre d’appel dans le secteur de la distribution depuis neuf ans et je chapeaute une équipe de six personnes. Je n’ai pas à me plaindre de mon travail, ça s’est toujours bien passé avec mes collègues. Mais avec la responsable, rien n’allait jamais bien. D’ailleurs je me souviens très bien de sa première phrase lorsqu’elle nous a été présentée à son arrivée, voilà trois ans, « je n’ai pas d’enfants, je n’ai pas à m’emmerder à les récupérer le soir ». Ça m’avait marquée ! Devant tout le monde, elle me traite de bonne à rien, dit que je ne sais pas gérer mon équipe. Mais elle fait elle-même des boulettes qu’elle répercute sur moi. Par exemple, elle oublie de me prévenir d’un changement de process et me reproche de ne pas avoir transmis l’information aux opératrices téléphoniques. C’est infernal. En plus, on fait des heures supplémentaires sans arrêt. Tout le monde le fait et elles ne sont jamais payées. Elle ne veut pas de pointeuse comme l’entreprise d’à côté. J’en ai parlé au syndicat et au responsable régional. Personne ne bouge. Il faut dire qu’on est le site qui rapporte le plus. La prime d’objectifs est obtenue à 100 %. Moi-même, j’ai tout le temps ma prime. Les opératrices aussi. Les gens ont peur d’elle. Peut-être qu’au lieu de démissionner j’aurais dû monter une petite résistance, dénoncer les heures non payées… Mais alors, plus de primes ! Est-ce qu’on ne serait pas tous un peu complices de ce système de fonctionnement à la carotte financière ? Il faut bien vivre !

 
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