Confédération paysanne : Vers un repli corporatiste




La Confédération paysanne a réuni 300 délégués pour son congrès national, les 13 et 14 avril à Lille. Préparé dans une certaine confusion, celui-ci a été le théâtre d’une poussée des tendances réformistes, à l’intérieur du deuxième syndicat agricole.

C’est avec un naturel bon-enfant que la direction du syndicat a soumis au vote un rapport d’orientation sans stratégie, qui ne fait que reprendre, les unes après les autres, des propositions d’actions et de revendications. Ce rapport, intitulé « Dix mesures pour sauver et installer les paysans » n’aborde pas la façon dont on va faire appliquer ces mesures, ni quelle cohérence elles portent. C’est un syndicat sans aiguille sur sa boussole qui sort de ce congrès. Le projet politique d’agriculture paysanne, fer de lance de la Conf’ depuis de nombreuses années est mis en veilleuse. L’heure est à la défense corporatiste, il faut se faire une image proprette en vue des élections aux chambres d’agriculture de 2013.

Le repli sur soi, une recette soi-disant miracle…

Les priorités syndicales sont modifiées. L’engagement qui a fait la particularité de la Confédération paysanne, comme le combat sur les OGM, ou son investissement dans les luttes paysannes internationales (à travers Via Campesina [1]), est délaissé. C’est dans une impasse stratégique qu’est menée la Conf’. La nouvelle orientation essaye de jongler entre un projet d’agriculture paysanne qui prend parti et une vision consensuelle, qui voudrait défendre tous les paysans. On glisse de la volonté de défendre les petits et moyens paysans à la volonté de défendre un type d’agriculture. C’est une certaine vision de classe qui disparaît et l’aspect corporatiste qui renaît. On ne défend plus un projet politique mais une profession. Or, le modèle productiviste et le système économique sont indissociables. Ils engendrent la disparition des paysans au profit de gros agri-managers. Le dilemme est de taille. Comment relancer un syndicat sans un projet politique ambitieux ?

Les courants d’idées qui ont constitué la Conf’ (paysans travailleurs, syndicalistes de lutte de classe et courant plus réformiste) se recristallisent. On assiste à une poussée forte de la « tendance » réformiste, qui rêve de faire de la Conf’ une CFDT des paysans : des airs « de gauche » mais une bonne place au sein de la cogestion.

Dans les fait, c’est un congrès quasi-verrouillé qui a eu lieu. Les débats et les votes se sont faits au pied levé, quand ils ont eu lieu. Pas moins de dix motions sur les douze présentées (hors rapports) n’ont pas été soumises au vote car hors délais… alors que le rapport moral lui-même a été proposé trop tardivement. La direction nationale choisissait d’autoriser ou non certaines interventions, les écourtait, pour laisser finalement au ministre de l’agriculture une après-midi entière, afin d’« échanger » avec les participant-e-s du congrès.

Retrouver une ligne de lutte

L’orientation prise aujourd’hui est un non-sens total. Les idées promues par la Conf’ depuis de nombreuses années, sur l’agriculture paysanne, la relocalisation des productions, la vente en circuits courts (Amap, magasins de producteurs), ou encore l’agriculture bio, sont aujourd’hui en vogue dans l’opinion publique et reprises par les pouvoir politiques et un certain nombre de chambres d’agriculture. Au lieu d’enfoncer le clou, d’aller de l’avant, la Conf’ se met à douter. Le syndicat avait réussi à sortir une partie des paysans de l’ornière corporatiste, ce n’est pas le moment d’y retourner.

Aujourd’hui, il est nécessaire, pour les paysans, de retrouver un projet fédérateur, ambitieux, qui porte en germe l’idée d’une réforme agraire en profondeur. Nourrissons-nous de luttes porteuses de changements. C’est à la Confédération paysanne, dans toute sa diversité, que revient la responsabilité de les impulser. Gageons qu’elle saura rebondir.

Georges Class et John Deere (AL Var)

[1Via Campesina est une internationale paysanne, regroupant environ 200 millions de paysans, dont la Confédération paysanne fait partie.

 
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