Constitution européenne : Rien n’est joué




Le non de Fabius à la constitution européenne en laissant augurer d’une majorité hostile à la constitution européenne rend les chances de succès des partisan(e)s du oui plus incertaines dans comme hors du PS.
Mais une victoire du non n’aura de sens que si les partisan(e)s d’un non anticapitaliste et internationaliste se donnent réellement les moyens de peser politiquement.

Le non si de Fabius à la constitution européenne, devenu un non plus tranché, déchaîne le petit monde médiatique qui prend beaucoup de temps et d’énergie pour se parler à lui-même.

Nous venons d’assister et ce n’est sans doute pas fini, à une déferlante des dirigeant(e)s minoritaires du PS favorables au oui avec le renfort des éditorialistes des différents médias nationaux et régionaux.

Tout est servi pour dire combien serait catastrophique un non à cette constitution capitaliste. La charge est importante, mais risque en fait d’avoir un effet inverse, tant les dirigeants libéraux favorables à la constitution capitaliste sont éloignés des préoccupations des exploité(e)s.

Ici, on invoque le sens de l’État, le sens de l’histoire, et là le courage du non pour éduquer un peuple abruti.

Libération devenu journal militant du libéralisme triomphant, fidèle en quelque sorte à l’histoire prochinoise de ses fondateurs, considère maintenant, comme les bureaucrates du Parti communiste chinois, les travail-leur(se)s, comme des obstacles aux réformes !

Fabius n’est pas devenu d’un coup un homme de gauche. Il reste un libéral.

Mais sa prise de position, et avec lui celle de son courant au sein du PS, doit être analysée.

Les jérémiades des chroniqueurs médiatiques sont insignifiantes. Il y a de fait, aujourd’hui au sein du PS, une forte probabilité pour que le non l’emporte. La consultation interne du PS aura lieu en décembre 2004.

Les préoccupations de direction du PS ne nous intéressent aucunement. Mais la possible victoire d’un non à la consultation référendaire de 2005 est une chose importante.

Il pourrait bien s’agir d’un séisme politique, comme l’histoire de la social-démocratie et de la gauche gouvernante s’en paie parfois.

Recomposition politique

Elle peut disposer Fabius comme leader d’une gauche gouvernante recomposée. De ce fait, l’initiative de Fabius coupe l’herbe sous le pied de toutes les tentatives de développement d’une possible fédération des non de gauche, autour du PC ou de morceaux du PC, de la LCR et des courants minoritaires du PS, et quelques Verts et autres alternatifs. En effet, cette perspective d’une recomposition politique autour d’un non de gauche perd de fait de sa pertinence avec l’entrée en lice du courant Fabius. Les courants minoritaires du PS ont passé un pacte avec Fabius pour prendre la direction actuelle du PS sous plusieurs feux. Ces courants ne sont donc pas disponibles pour une opération extérieure au PS.

Le PC va jouer la petite musique du leadership sur le mouvement social en tenant à distance une LCR affaiblie.

L’appel de la Fondation Copernic - qui devrait rassembler LCR et PCF - est une merde sociale-démocrate, basée sur l’idée qu’il faut une « autre Europe » pour faire contrepoids aux États-Unis...

Lutte ouvrière (LO) sera comme d’habitude très ennuyée pour prendre position puisque, cette fois-ci, on ne peut pas voter pour LO. Alors ce sera l’abstention ou peut-être un vote négatif mais sans grand enthousiasme.

Libertaires, une carte à jouer

Enfin que vont faire les libertaires ?

Il serait bien que les organisations qui se réclament du courant libertaire fassent la différence entre une élection, qui vise à assurer une représentation aux partis qui aspirent à gérer les institutions, et un référendum.

Cela dit, ce ne sont pas seulement les libertaires de France qui sont interpellé(e)s mais avec elles/eux tou(te)s les libertaires des pays de l’Union européenne. L’enjeu d’une campagne internationaliste n’étant pas qu’elle se limite à une déclaration d’intention au bas d’un tract ou d’une affiche, mais qu’elle soit portée dans un maximum de pays par des organisations de notre courant.

On le voit déjà cette affaire prend une importance qui dépasse la Constitution européenne.

Pour les opprimé(e)s, l’arc des forces hostiles à cette constitution européenne, peut être l’occasion d’une participation à une victoire. Une crise en Europe sur la constitution peut être salutaire. Et, les victoires créent des dynamiques.

Il n’en reste pas moins que la structuration d’un non de gauche anticapitaliste et internationaliste serait une bonne chose. C’est l’option que nous sommes prêt(e)s à défendre avec d’autres forces tout en défendant un projet basé sur le fédéralisme libertaire et l’autogestion.

Car la place de ce non de gauche sera déterminante après, pour les rapports de force au sein du camp du non.

Côté syndical, ça devrait secouer un peu, hors CFDT alignée sur la prise de position de l’organe restreint de la Confédération européenne des syndicats. Déjà le secrétaire général de FO commence à indiquer que le oui de la CES ne reposait pas sur une décision démocratique.

La direction de la CGT hésite beaucoup et indépendamment de la novlangue glaiseuse qui pour gagner du temps parlera beaucoup de démocratie interne, etc., sans que les dirigeants CGT s’expriment sur le fond, elle va être très secouée par cette affaire. L’Union syndicale G10 Solidaires devrait sans surprise être pour le non. Elle pourrait ainsi devenir un pôle de référence pour tou(te)s les syndicalistes des confédérations souhaitant s’opposer à cette constitution.

Bien évidemment ce référendum comporte des écueils.

À savoir qu’il ne faut pas réduire les enjeux politiques et la lutte des classes à ce seul référendum.

Une dynamique issue d’une éventuelle victoire du non sera possible si le non anticapitaliste et internationaliste se donne les moyens de peser et si les forces qui le portent ne désertent pas le terrain des luttes sociales le temps d’une campagne. Car le gouvernement, lui gouvernera indépendamment de la campagne.

Et une victoire du non pourrait ainsi s’avérer dérisoire si, par exemple, au même moment, la loi d’orientation sur l’éducation est votée.

C’est bien sûr si ces deux exigences sont conjuguées qu’une dynamique politique et sociale peut émerger.

Thierry Aureliano (AL Transcom),
Laurent Esquerre (AL Paris-Est),
Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

 
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