Manifeste de l’UCL

Contre-pouvoir, double pouvoir et rupture révolutionnaire




La révolution n’est due ni uniquement à une maturation idéologique, ni uniquement à des conditions économiques « objectives ». Elle peut survenir au terme d’une dynamique fondée sur des pratiques sociales qui permettent une prise de conscience collective et l’émergence d’un projet de société partagé de plus en plus ­largement.

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Après le soulèvement populaire de 2001, l’Argentine a vu de nombreuses entreprises (ici, l’usine Zanon) spontanément reprises en main.
cc Sebastian Hacher

La révolution libertaire n’est pas la substitution d’une équipe dirigeante à une autre : c’est une révolution globale des formes économiques, sociales, politiques et culturelles de la société.

La révolution n’est due ni uniquement à une maturation idéologique, ni uniquement à des conditions économiques « objectives ». Elle peut survenir au terme d’une dynamique fondée sur des pratiques sociales, les pratiques ­réelles des masses et des individus, leurs luttes, qui se déploient dans les conditions matérielles de chaque époque, et qui permettent une prise de conscience collective et l’émergence d’un projet de société partagé de plus en plus ­largement.

En période non révolutionnaire : construire des contre-pouvoirs

La prise de conscience révolutionnaire s’appuie généralement sur une expérimentation concrète à travers la lutte de classe, les luttes émancipatrices et leur auto-organisation. Syndicats de lutte, comités de privées d’emploi, comités de mal-logées, organisations fémi­nistes, collectifs antiracistes, comités dénonçant les violences poli­cières… Tous participent d’une logique de contre-pouvoir face au capitalisme et à l’État.

Ces contre-pouvoirs sont potentiellement les embryons d’une alternative politique et sociale, mais potentiellement seulement. Ils peuvent le devenir s’ils adoptent des pratiques autogestionnaires et des perspectives anticapitalistes, antipatriarcales, antiracistes, écologistes, révolutionnaires… Le courant communiste libertaire doit y contribuer activement, et veiller à s’opposer aux discours et aux pratiques dirigistes, car la liberté n’est pas pour nous une fin lointaine autorisant le recours à n’importe quel moyen, mais elle est le but et le moyen.

Par ailleurs, renforcer le pouvoir populaire, c’est aussi renforcer notre autonomie face aux capitalistes et à l’État. Ainsi, il est utile de participer aux initiatives permettant de se réapproprier la production, la distribution, l’éducation, etc., en y apportant notre analyse et nos combats anticapitalistes et en y impulsant des pratiques autogérées et émancipatrices.

Durant une période pré-révolutionnaire : pousser au double pouvoir

Une période pré-révolutionnaire s’ouvre lorsque l’État est débordé par la montée de la lutte des classes au point qu’il commence à se déliter, et que son autorité est mise en question. Si certains lieux de production sont repris en main par les travailleuses et travailleurs, le patronat lui-même voit sa raison d’être directement menacée.

Les contre-pouvoirs actifs en amont peuvent alors former l’armature d’un maillage d’organes démocratiques – qu’ils se nomment fédérations locales, fédérations d’industries, communes, conseils, comités de quartier ou d’usine, assemblées populaires – qui commencent à reprendre en main les activités économiques et sociales. La fédération progressive de cet ensemble dessine les contours d’un pouvoir populaire concurrençant le pouvoir d’État.

Par « pouvoir populaire », nous entendons non pas un « État ouvrier » selon la conception léniniste, mais bien une dynamique de démocratie directe, fédéraliste, contrôlée par la base.

Durant ce processus – où le pouvoir capitaliste est ouvertement défié –, le courant communiste libertaire ne cherche pas à former un « état-major » aspirant à s’emparer du pouvoir d’État. Il pousse au contraire à ce que le pouvoir populaire prenne conscience de lui-même, se consolide, s’étende, et envisage de remplacer le pouvoir d’État.

Le courant communiste libertaire doit contribuer à orienter le processus révolutionnaire vers une solution autogestionnaire, évitant les pièges de la bureaucratisation, sans s’en remettre complètement à la spontanéité. Celle-ci a déjà ­montré, dans l’histoire, son extra­ordinaire puissance créatrice, mais aussi son instabilité.

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