Crise européenne : Les Etats piliers du libéralisme




Après avoir été renflouées par les États, les banques d’affaires mettent les « Pigs » sous pression. L’occasion est trop belle pour nos dirigeants européens, Merkel et Sarkozy en tête, qui en profitent pour imposer des plans de rigueur dans toute l’Europe.

A l’origine de la crise grecque on trouvait les traités de Maastrich et Lisbonne, et la banque d’affaires Goldman Sachs. Les premiers ont défini l’endettement d’un État européen et en ont imposé la maîtrise. La seconde pour mieux aider la Grèce lui concocta un produit financier sur mesure en réponse aux critères d’endettement en zone euro, dispersant ses dettes aux quatre coins des marchés financiers, le tout en parfaite légalité.

Ce qui nous intéresse ici est faire l’analyse du processus qui s’étend désormais, en toute logique, à tout le continent, et dont les facteurs de l’équation sont : des Etats et des banques, unis pour faire main-basse sur l’Europe.

Création d’un FMI à l’européenne

Afin d’éviter à la crise de se propager aux autres « Pigs » [1],
les gouvernements européens devaient donc soutenir la Grèce en lui prêtant à des taux raisonnables. Seulement les divers traités européens interdisent ce type de prêts et la Banque centrale européenne ne peut pas non plus prêter directement aux États, soi-disant pour inciter les États à maîtriser leurs dettes. Restait à la Grèce le recours au FMI. Ce qui devait faire un peu trop Tiers-monde pour l’Allemagne et la France, qui ont préféré créer un FMI européen, dont ils auraient le contrôle.

Le 9 mai dernier, les dirigeants européens ont donc décidé de créer un « fonds européen de stabilité », doté de 750 milliards d’euros (dont 111 apportés par la France et autant par l’Allemagne). Bien sûr, comme le FMI, ce fonds ne prêtera pas sans contreparties et exigera des réformes structurelles des pays en difficulté. La chancelière allemande A. Merkel, applaudie par Sarkozy, mène la charge et va jusqu’à envisager l’exclusion de la zone euro de pays en difficulté financière qui n’auraient pas poussé assez loin le libéralisme. Les conditions à remplir pour toucher l’aide de ce fonds étant pour l’instant encore en négociation, les « Pigs » et la France se sont engagés dans l’immédiat à lancer des plans de rigueur dans leurs pays, afin de montrer l’exemple.

Utiliser la crise pour détruire nos droits

Du point de vue des marchés, ces plans de rigueur n’ont rien d’une obligation, contrairement à ce qu’on veut nous faire avaler. S’il s’agissait uniquement de rassurer les banques sur la solvabilité des États de la zone euro, l’instauration d’un mécanisme de solidarité financière entre États aurait suffi. Or, pour mémoire, si la plupart des banques européennes ont été renflouées par les États en 2008, cela ne s’est traduit par aucun geste d’aide de leur part en direction de la Grèce, au contraire.

Ces plans de rigueur mettent à profit les annonces catastrophistes colportées par les médias pour diminuer les salaires et détruire les services publics. Alors que la casse de nos acquis avançait lentement mais sûrement depuis une décennie, les gouvernements européens lancent aujourd’hui une offensive libérale franche et coordonnée.

En Grèce par exemple, le plan de rigueur est terrifiant. Quelques 2800 milliards d’euros sont économisés en diminuant les subventions aux hôpitaux, aux fonds de retraites, aux prestations sociales, aux primes des fonctionnaires, en supprimant 4 postes de fonctionnaires sur 5 … Les riches ne seront mis à contribution qu’à hauteur de 2200 euros par de nouveaux impôts et une réduction de l’évasion fiscale [2]. En Espagne, les salaires des fonctionnaires ont été réduits de 5 %, et l’effort de rigueur sera de 65 milliards au final. Au Portugal, José Socrates le dit franchement : il veut « rétablir la confiance et assurer le financement de l’économie », en augmentant les impôts de 1,5 %, et ramener à 7,3 % le déficit budgétaire et 4,3 % l’an

prochain. Le tout dans un pays déjà sous le coup d’un plan d’austérité. Et avec la bénédiction des partis « socialistes » à la tête de ces pays.

Les conséquences économiques de ces plans de rigueur sont en revanche bien connues : baisse de la consommation et de la demande, hausse du chômage et donc baisse de la consommation, etc. [3]

Que retenir de l’intervention des États européens au cours du mois de mai ? D’abord, aucune action n’a été menée pour juguler la crise en elle-même. Il s’agissait avant tout pour les États de contenir la crise grecque en créant le Fonds européen de stabilité, et par la même occasion de satisfaire les copains patrons en accélérant l’offensive libérale. Plus que jamais, les États et les institutions qu’ils créent sont chargés de mener la casse sociale, de faire raquer les travailleurs pour donner aux capitalistes.

S’organiser et combattre l’État

La situation actuelle illustre bien à quel point les revendications-phares de la gauche réformiste comme « plus de régulation », un « contrôle de la Banque centrale européenne par les États » ou une « vraie constitution européenne au service des peuples » sont à côté de la plaque. S’il faut bien évidemment défendre les anomalies socialistes que sont la retraite ou la sécurité sociale, il n’y a rien à attendre des États pour combattre la sauvagerie du capitalisme. Il est donc vain de les interpeller. L’heure est aujourd’hui à la mobilisation des travailleurs contre les plans de rigueur et à la mise en débat de la sortie du capitalisme.

Grégoire Mariman (AL Paris Sud)

[1Les « Pigs », dans le langage des marchés financiers, sont l’ensemble périlleux formé par le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne, dont les initiales accolées forment l’acronyme Pigs : (cochons, en anglais).

[2Voir l’article web du 25 mars « Grèce : crise et conséquence » de Chloé Mahier et Guillaume Duval, Alternatives économiques.

[3Voir l’article web du 18 mai « En route vers la grande dépression » de Frédéric Lordon, Le Monde diplomatique.

 
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