Manifeste de l’UCL

Détruire le patriarcat




La lutte pour l’émancipation et l’égalité entre femmes et hommes est un des thèmes essentiels du combat libertaire. Nous nous fixons pour objectif l’abolition du patriarcat en tant que système de domination, l’égalité civile et sociale entre hommes et femmes, et la liberté des femmes de disposer de leur corps, de leur capacité reproductrice et de leur sexualité, dans l’espace privé et domestique comme dans l’espace public.

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cc Yann Lévy

Nous rejetons toutes les discriminations basées sur le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. En effet nous considérons la transphobie, l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la discrimination des personnes intersexes comme des manifestations du patriarcat. Elles se fondent notamment, sur l’existence de seulement deux catégories de sexe distinctes, entraînant la mutilation des personnes intersexes, et sur l’imposition d’un modèle hétérosexuel dominant. Nous combattons ces oppressions en reconnaissant la jonction et les spécificités des luttes LGBTI.

Le patriarcat est un système politique et économique basé sur la division sexuée du travail qui se traduit par l’exploitation domestique que subissent encore aujourd’hui les femmes du monde entier. Il produit la culture sexiste, solidifiée en un système d’us et coutumes, de lois et de codes sociaux.

Le sexisme, c’est l’ensemble des préjugés qui attribuent des qualités ou des défauts « innés » à chaque genre. Les « qualités naturelles » attribuées par les préjugés sexistes aboutissent à une hiérarchisation entre le groupe des hommes et celui des femmes. Le patriarcat s’appuie sur le genre – qui est une construction sociale – pour justifier l’existence des catégories homme et femme et les inégalités entre elles, les violences faites aux femmes, l’assignation à certains rôles en fonction du genre, et imposer une norme hétérosexuelle et familiale. Son croisement avec d’autres rapports de domination fondés sur la classe sociale, la ­couleur de peau, l’orientation sexuelle, les croyances réelles ou supposées, l’âge, la situation administrative, etc. engendre d’autres formes de dominations.

La domination est à la fois idéologique, culturelle, sociale, économique et politique, reléguant les femmes à des rôles subalternes et les dépossédant de la maîtrise de leur vie, de leur corps, et de leur sexualité. Elle est aussi physique par les violences domestiques, le harcèlement, les violences sexuelles qui entravent la vie des femmes à la fois par leur réalité et par la menace constante qu’elles font peser.

Des acquis sans cesse remis en cause

Au fil des décennies, la lutte féministe et antipatriarcale a permis des avancées réelles dans les consciences et dans la vie. Mais aucun acquis n’est jamais définitif ; il nous faut les défendre, et les élargir encore.

Partout où du terrain a été gagné – égalité des droits, égalité professionnelle, avortement et contraception – des mouvements réactionnaires exercent une pression contraire, qui vise à maintenir le système de domination patriarcale.

Une lutte spécifique est nécessaire

La lutte contre le patriarcat est une lutte spécifique qui ne se réduit pas à la lutte contre le capitalisme, bien que l’un et l’autre se nourrissent mutuellement. Le capitalisme tire parti du travail gratuit encore en majorité effectué par les femmes dans la reproduction de la force de travail : enfanter, élever et éduquer les enfants, accomplir le travail domestique et les soins. Il profite du système patriarcal pour surexploiter les femmes dans des métiers largement déconsidérés et sous-payés.

Mais le patriarcat ne sert pas que la classe capitaliste. Y compris au sein de notre camp social, les hommes bénéficient du travail gratuit des femmes et se voient libérés d’un certain nombre de tâches dont les femmes se chargent spontanément, poussées par les différents mécanismes qui maintiennent et renforcent ce rapport de domination.

Davantage astreintes aux temps partiels imposés, au chômage, à la précarité, elles servent de variable d’ajustement pour le patronat en fonction de ses besoins de main-d’œuvre. Réciproquement, les tâches domestiques assignées aux femmes (soin aux personnes, ménage…) déterminent à leur tour la division sexuée du travail (répartition genrée et hiérarchisée des tâches et des métiers).

Les religions et l’État sont aussi des soutiens actifs du patriarcat en imposant un ordre moral et un modèle familial hétéronormé et hiérarchisé, et en soumettant les femmes et les minorités sexuelles aux violences institutionnelles et policières. Plutôt que la famille patriarcale, nous défendons toutes les formes d’associations familiales et sexuelles sans hiérarchie, basées sur le consentement et qui prennent en compte les droits des enfants, des personnes LGBTI eux aussi victimes de violences et d’oppression.

Des pratiques inclusives et égalitaires

Les organisations révolutionnaires sont composées de personnes membres d’une société à un moment donné, et en cela porteuses de préjugés, de modes de fonctionnement, des conditionnements et d’habitudes inconsciemment acquis par leur éducation, malgré leur volonté de créer une société plus égalitaire. C’est pourquoi il nous appartient de lutter contre le patriarcat aussi au sein de notre organisation avec tous les outils à notre portée :

  • travailler à rendre l’organisation accueillante pour les femmes et minorités de genre par ses pratiques ;
  • s’organiser de manière non sexiste (dans les répartitions des tâches éviter « les hommes à la politique, les femmes à la logistique ») ;
  • favoriser la prise de responsabilités des femmes et minorités de genre au niveau local comme fédéral en formant les hommes à ne pas prendre toute la place ;
  • faire face aux violences sexuelles et sexistes par un travail de vigilance et d’insécurisation des agresseurs, qui ne seront pas tolérés au sein de l’UCL, ni dans nos milieux ;
  • favoriser les cadres de discussion non mixtes pour libérer la parole ;
  • questionner nos propres habitudes et réflexes pour veiller à ce que les tâches ménagères et affectives ne soient pas automatiquement attribuées aux femmes de l’organisation ;
  • se doter d’outils favorisant la parole des plus timides et des moins formées.

Nous rejetons la conception traditionnelle du militant révolutionnaire dont la disponibilité pour la cause est fondée sur le confinement domestique de sa conjointe. Nous cherchons à développer une forme nouvelle, alternative, de militantisme qui ne reproduise pas à l’intérieur du mouvement d’émancipation, les rapports patriarcaux et les aliénations domestiques.

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