Dossier Printemps arabe : Maroc : « Makhzen dégage ! », où en est-on ?




La contestation engagée depuis un an a connu des hauts et des bas, avec une répression toujours d’actualité. Face à des institutions royales bloquées, l’opposition de rue persiste, avec un renouveau féministe et l’apparition d’un courant libertaire.

L’appel à manifester pour des réformes le 20 février 2011, lancé sur les réseaux sociaux, a provoqué une vague de protestation, avec un pic en avril-mai 2011. Dans les manifestations un slogan émerge : « Makhzen dégage ». Le Makhzen, c’est l’oligarchie affairiste incrustée dans l’appareil d’État, et qui compose la cour de Mohamed VI. Soucieux, le roi a accordé un référendum sur une nouvelle Constitution cuisinée au palais. Le «  Mouvement du 20 février  », structuré via Internet, a appelé au boycott d’une telle supercherie, et la Constitution a été votée avec un taux d’abstention record. Juste après le scrutin, certains partis politiques se sont retirés du mouvement, pariant sur sa disparition prochaine. Il a malgré tout continué pendant l’été, malgré le mois de Ramadan, avec des manifestations nocturnes après la rupture du jeûne.

Les législatives du 24 novembre, avec un taux d’abstention supérieur à 50 %, ont été remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste très modéré et plus royaliste que le roi. De toute façon, les décisions se prennent ailleurs : au sein du Makhzen. Juste après les législatives, le roi a d’ailleurs nommé conseillers royaux ses amis el Himma et el Fassi, purs représentants du Makhzen et haïs par la population.

Un an après le début de la contestation, le slogan « Makhzen dégage » reste d’actualité. Si le mouvement a beaucoup rétréci, il a laissé des traces. Ainsi, des collectifs féministes ont vu le jour, notamment Layalat Jayat (« les femmes arrivent ») implanté dans plusieurs villes et composé de militantes de gauche, radicale pour certaines.

Mais le principal foyer de résistance est le mouvement des « chômeurs diplômés », qui existe depuis longtemps, et qui subit une répression draconienne à Nador, à Rabat, à Taza et ailleurs. À Taza, le 4 janvier, la répression a fait exploser la colère du bidonville Alkoucha. Les violents affrontements ont fait plusieurs blessées des deux côtés et des voitures de police ont brûlé. À Rabat, le 18 janvier, deux «  chômeurs diplômés  » se sont immolés par le feu. L’un deux est mort quelques jours plus tard. D’autres villes comme Béni-Mellal et Tinghir ont connu des affrontements quand les autorités ont voulu détruire des bidonvilles sans indemnisation ni aide au relogement.

Le mouvement de rue a permis l’éclosion d’une gauche libertaire constituée surtout de jeunes issus d’associations ou d’Attac. Certaines et certains sont syndicalistes à l’UMT et à la CDT. Ils et elles ont participé à la contestation dès avant février 2011, comme à Laayoune (Sahara occidental) et à Sidi Ifni en 2008. On les a vus dans des grèves, des marches contre la vie chère, le soutien aux petits paysans en lutte dans l’Atlas. Ils et elles ont été les initiateurs en 2009 du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI). Les prochains mois devraient voir la naissance d’une plateforme politique, et le lectorat d’Alternative libertaire en sera tenu au courant.

Ghassan El Primo (au Maroc) et Marouane Taharouri (AL Paris nord-est)

 
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