Droits des femmes : L’IVG menacée




Depuis plusieurs années, l’accès à l’IVG est menacé, état des lieux avec Josée Pépin, de l’association Droit des femmes XXe, membre du collectif Tenon.

[*Quelle est la situation actuelle des centres IVG en région parisienne ?*]

La situation est alarmante : en dix ans 140 centres d’IVG ont fermé, très souvent en catimini, selon un rapport de l’IGAS. Récemment, on peut dire que la maternité de Saint-Antoine et son centre IVG qui pratique 800 avortements par an, ferment le 9 février. Le centre Bicêtre va déménager et se relocaliser dans la maternité, avec une diminution de locaux, donc une baisse de l’activité pour les IVG. C’est la même chose pour Saint-Louis. Saint Vincent de Paul va sur Port Royal pour un regroupement, avec éclatement de l’activité aussi. Sur Baujon, il y aura 30 % d’IVG en moins, l’équipe privilégiant d’autres activités. À Montreuil, où 1 400 IVG sont pratiquées, il y a également une réduction de 50 % de l’activité depuis la nomination de la nouvelle directrice. Enfin, Avicenne et Jean-Verdier devraient être regroupés et ont déjà réduits leurs actes de 18 % et 4 %. En gros, depuis cinq ans le nombre d’IVG est en diminution régulière en région parisienne (13 463 en 2005, 11 889 en 2010 soit moins 10 %).

[*Comment expliquer ce désengagement important ?*]

La loi HPST dite loi Bachelot, qui entre dans la logique de ce gouvernement infâme, organise la casse de tous les services publics, la santé étant un terrain de choix, puisque des services entiers pourtant jugés rentables sont bradés a des « amis », laboratoires et fonds de pensions. Il faut rentabiliser l’hôpital, et toutes les occasions sont bonnes : départs en retraite, structures fermées ou temps médical supprimé. La T2A ou tarification à l’acte qui impose des objectifs chiffrés aux hôpitaux, avec une augmentation de l’activité à moyens constants, voire à moindres moyens. Dans ce contexte, la pratique de l’IVG est sous tarifée, son forfait correspondant à la moitié du coût d’une fausse couche. D’où une demande de requalification de l’acte par des associations féministes et de médecins. Certes, une revalorisation donnerait sûrement un intérêt économique pour cette pratique – même si sur le fond ça se discute. Mais pour que la réévaluation du forfait IVG soit juste, il faut exiger l’exonération du ticket modérateur, c’est-à-dire sa prise en charge à 100 %, ce qui rendrait l’IVG accessible à toutes.

[*Quelles sont les conséquences en matière de droit des femmes et d’accès réel à l’avortement ?*]

Sur le fond, ce droit n’a jamais été pleinement reconnu. La loi Veil a été votée en 1975 mais officialisée en 1979, cinq ans après seulement : les femmes ayant été bien sages et n’ayant pas « abusé » on pouvait leur « donner » l’avortement ! Aujourd’hui le discours a peu changé, la France est l’un des pays du monde où les femmes recourent le plus à la contraception (à 87 %) et où le taux de fécondation est avec l’Irlande le plus élevé d’Europe. Pourtant, la culpabilisation n’a jamais cessé, sur le mode : « Comment ! On leur a donné la pilule et il y a encore 200 000 avortements par an ! », selon l’esprit des déclarations tenues par Raffarin ou Debré... L’ordre moral des intégristes religieux est en constante augmentation, SOS-Tout-petits manifestant régulièrement dans plusieurs villes de France, comme à Tenon où ils reviennent d’ailleurs le 12 février. Tout est donc en place pour restreindre à petit feu ce droit : fermetures de centres, délais d’attente de trois semaines pour un rendez-vous en Paca, Nord-Pas-de-Calais, et Ile-de-France – chaque année, environ 3 000 femmes hors délais sont dirigées à l’étranger –, manque de formation du monde médical, pas le choix de l’IVG, mauvais accueil, stigmatisation...
Heureusement, il y a des mobilisations : le 4 février de 11h à 12h, rassemblement devant l’hôpital Saint-Antoine ; le 8 mars, il y a une manifestation dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, et fin mars, la journée nationale « Notre santé en danger » au cours de laquelle le droit à l’IVG sera très présent. Cela n’est cependant pas suffisant : rapidement une initiative spécifique devra être envisagée par les organisations féministes !

Propos recueillis par Violaine (AL 93)

 
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