Droits devants : L’embauche en CDD




Frank [1]
est un cadre diplômé de 57 ans, spécialisé dans le management qualité, habitant dans une commune rurale. Il est en chômage de longue durée. Sachant qu’une maison de retraite privée cherchait à recruter un homme d’entretien, il a postulé. L’employeur lui propose un CDD de quatre jours, avec possibilité d’être embauché en CDI après quelques temps. Puis un CDD de 15 jours. Puis un CDD d’une semaine. Ces différents CDD ont des motifs apparemment légaux : le motif « officiel » est le remplacement de différentes personnes absentes. Le contrat du dernier CDD, bien que débutant le lundi, n’a été proposé à la signature que le jeudi, tout en indiquant comme date de signature le premier jour de la semaine. Sur le conseil de l’union locale, Frank, discrètement, lors de la signature de ce CDD, ajoute la date réelle à laquelle il a signé le contrat. Le lendemain après-midi, l’employeur l’informe qu’il ne lui propose pas de renouvellement de contrat.

La loi qui encadre les CDD prétend en faire des contrats d’exception. Pourtant près des trois quarts des embauches sont effectuées en CDD. Les détournements de la loi par le patronat sont légion… et les services de l’État ne mettent rien en œuvre pour s’y opposer ! Toutefois, quand il est possible de démontrer que la loi a été violée, la requalification aux prud’hommes du CDD en CDI est possible.
Frank avait conscience que l’employeur, ne lui ayant pas transmis le contrat « au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche », avait violé le Code du travail. Mais face à la possibilité d’un nouveau CDD, refuser de signer le contrat était prendre un risque. Il a donc signé son contrat. Le lendemain de la signature, l’employeur, qui n’attendait que cette formalité, l’informe qu’il met fin à la relation de travail.

Disposant d’un contrat de travail sur lequel est indiquée une date de signature au-delà des deux jours légaux, Frank peut s’appuyer sur une jurisprudence de la Cour de Cassation qui affirme : « Le contrat de travail à durée déterminée doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l’embauche et (...) sa transmission tardive pour signature équivaut à une absence d’écrit qui entraîne requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. » De plus, il pourra faire valoir qu’à l’issue du second CDD qu’il a continué à travailler sans avoir signé de nouveau contrat, ce qui permet là aussi d’obtenir une requalification. Il a donc déposé un dossier au prud’hommes.

Frank devrait obtenir une indemnité de requalification (un mois de salaire), une indemnité compensatrice de préavis (un mois prévu par la convention Collective de l’hospitalisation privée) et une indemnisation symbolique pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure irrégulière, mais il a perdu l’emploi qu’il espérait obtenir.

Jean-luc Dupriez, défenseur syndical (Cgt)

[1Le prénom est les lieux sont modifiés, le reste est authentique.

 
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