Ecoles : Rythmes scolaires, le primaire en colère




Si l’accession de la « gauche » au pouvoir constituait un espoir pour les personnels de l’Éducation, les projets de réformes annoncés par Vincent Peillon l’ont vite anéanti. État des lieux des projets ministériels... et de la résistance qu’y opposent les enseignants et enseignantes du premier degré.

Effectifs dans les classes, aide aux élèves en difficulté, remplacements, formation initiale et continue, injonctions et contrôles tatillons, les conditions de travail des enseignants et enseignantes en école primaire se sont fortement dégradées ces dernières années. Les demandes de la corporation étaient fortes lors du changement de majorité, même si personne ne se berçait d’illusions. Mais, avec le projet de loi sur la refondation de l’école, la désillusion ne peut que laisser place à la colère contre ce qui constitue une nouvelle attaque en règle contre l’école et ceux et celles qui la font.

Mesure phare : la réforme des rythmes scolaires. Ce projet voulu par Vincent Peillon comme préalable à la « refondation de l’école » n’améliore en rien les conditions d’apprentissage des élèves et dégrade un peu plus les conditions de travail et de vie des différents personnels qui travaillent avec les enfants. Concrètement, l’enfant se lève une journée de plus par semaine (le mercredi) et voit son temps passé en classe diminuer de trois quarts d’heure par jour mais son temps passé à l’école augmenter de trois heures par semaine. On imagine facilement, qu’avec un tel rythme, les enfants seront plus en forme pour apprendre.

Travailler plus pour… travailler plus

Une fois de plus, l’intérêt des enfants ne compte pas. Par contre, ce qu’on voit facilement se profiler, ce sont les signes d’un désengagement de l’État, puisque le temps quotidien dégagé par la réforme est confié aux municipalités qui auront la charge « d’occuper » les enfants à des activités périscolaires. Pour cela sont mis en place les Projets éducatifs territoriaux (PET), sorte de contrats entre l’État et les municipalités. Ces dernières auront la charge de déterminer en partie les heures de travail des enseignants et enseignantes. De plus, un nouveau décret fixera le poids des communes dans les conseils d’école. Non, ce qui est donc en jeu c’est surtout une réforme qui modifie profondément l’organisation des écoles et accentue les inégalités territoriales. D’aucuns comparent cette réforme aux lois de décentralisation et d’autonomie des universités (loi LRU) qui aboutissent à des inégalités criantes entre régions et entre universités.

Alors que 90% des communes rurales et la quasi totalité des « grandes villes » ont reporté l’application de la réforme, la Mairie de Paris souhaite sa mise en œuvre pour la rentrée 2013. « C’est un défi et je vous avoue que j’ai un peu peur », déclare Bertrand Delanoë se rappelant qu’il avait échoué à réformer les rythmes scolaires parisiens en 2002 face, déjà à l’époque, à une mobilisation massive des enseignants et des enseignantes. « Pourquoi si vite ? » interrogent parents et enseignants qui osent supposer, sans vouloir faire de procès d’intention, que la Ville de Paris n’a pas les moyens de la mise en œuvre d’une telle réforme au regard des conditions d’encadrement existant actuellement sur les temps périscolaires, notamment au moment de la pause méridienne. De l’aveu même de Bertrand Delanoë aux organisations syndicales reçues – très tardivement – en délégation, 2014 est une année électorale et il convient de faire passer la réforme avant.

Paris est un enjeu particulier dans le dispositif ministériel car c’est notamment à partir de la capitale que doit s’engager la réforme. S’il n’y a pas de cloisonnement entre le scolaire et le périscolaire, comment peut-il ne pas y avoir confusion et donc mise sous tutelle des enseignants et enseignantes par la Mairie ?

Hostilité unanime

Dans ces conditions, le mouvement parisien a pris de l’ampleur dès le début. Entre 85 et 90% de grévistes les 22 janvier et 12 février dernier, c’est du jamais vu. Et la mobilisation ne faiblit pas. La Mairie de Paris qui a organisé quatre réunions publiques d’« information » sur la question s’est vue systématiquement conspuer par les parents et les personnels travaillant auprès des enfants venus en masse rappeler que cette réforme ne pourra pas se faire contre eux et elles.

La direction de la FCPE (principale fédération de parents d’élèves), qui semble marcher main dans la main avec la ville, ne réussit pas à faire l’unanimité au sein de ses membres. Au contraire, nombreux sont celles et ceux qui se mobilisent contre la réforme et participent aux actions initiées par les personnels de l’éducation. D’ailleurs, une pétition a été mise en ligne pour demander le report de l’application de la réforme [1].
Pour autant, la Ville de Paris entend continuer dans la même voie. Alors que le décret Peillon a quasiment fait l’unanimité contre lui au Conseil supérieur de l’éducation, Delanoë a souhaité passer en force. Le conseil de Paris a adopté le 25 mars le principe de la réforme et sa mise en place dès septembre 2013, grâce notamment aux votes d’Europe Écologie Les Verts.

Élargir la contestation

La nouvelle loi d’orientation et de refondation de l’école, présentée par Vincent Peillon, se situe dans la stricte continuité de la politique scolaire des gouvernements précédents. Toutes les contre-réformes votées depuis la loi Fillon de 2005 sont ainsi confirmées de la maternelle au baccalauréat. Le socle commun, qui instaure des enseignements au rabais, est même érigé par le gouvernement Hollande/Ayrault en « principe organisateur » de l’enseignement obligatoire. Derrière cette appellation se trouve la volonté de renforcer une école à deux vitesses, celle pour les élites et celle pour la majorité des jeunes dont l’unique ambition se résumera à la maîtrise des bases scolaires.

Au-delà, avec ce projet de loi d’orientation, le gouvernement pose les bases de nouvelles attaques contre l’enseignement public, les personnels et la jeunesse :

 cette loi s’en prend au cadre national de l’école ;

 cette loi s’en prend également aux statuts des personnels.

Il faut le dire, l’inscription dans la loi de la création de 60 000 postes est un enfumage, une fiction qui ne résiste pas à l’examen des dotations horaires et cartes scolaires pour la rentrée 2013. De même, il n’y a pas trace d’un embryon de rétablissement de la formation des enseignants et enseignantes, il s’agit plutôt d’un formatage qui s’intègre dans l’objectif de redéfinition des missions et des statuts dans le cadre toujours existant de la « mastérisation ».

La mobilisation nationale du 28 mars, lancée par plusieurs fédérations nationales de l’éducation (CGT, FO, Sud, CNT), n’a pas été à la hauteur des enjeux. Si la principale fédération, la FSU, continue à faire cavalier seul – elle appelle à une manifestation le samedi 6 avril – sur des bases très timides, Vincent Peillon pourra bientôt s’enorgueillir d’avoir réussi sa « refondation ». Au détriment des élèves et des personnels.

Gilles (Ami d’AL)

[1La petition est disponible sur fcpenousaussi.wesign.it/fr

 
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