Edito : A bas l’autoritarisme !




Déclarations de Fillon, succès de livres, de films et d’une émission flattant la nostalgie d’une école mythique dans laquelle les filles devaient se familiariser avec leur rôle de future mère de famille au foyer, l’autorité du maître était absolue, les élèves soumis(es), les familles ravies des méthodes traditionnelles d’enseignement et les bien-pensants satisfaits que l’ordre règne.

La réaction s’affiche sans complexes.

Bien évidemment, les sectateurs d’un ordre autoritaire, sexiste, moraliste, colonialiste, raciste et élitiste se garderont bien de dire que cette école imaginaire qu’ils revoient en carte postale était frappée de bien des tares qu’ils occultent volontiers.

La promotion sociale était réservée à une petite élite qui parvenait au bac et aux études supérieures. La formation des enseignant(e)s était médiocre voire inexistante. Il s’agissait d’apprendre sans même chercher à comprendre.

Aujourd’hui l’école qui n’a pas renoncé à l’apprentissage des savoirs fondamentaux - sauf dans les délires d’une réaction dont les Fillon, Raffarin et autres Darcos se posent en chefs de file - , apprend davantage à réfléchir aux élèves et forme mieux ses enseignant(e)s, et ce même si dans ce domaine il reste beaucoup à faire.

Le collège unique, aujourd’hui remis en cause par la droite, le Parti socialiste et le Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES majoritaire), a abouti à une massification de l’enseignement, sans que celle-ci se traduise pour autant par une démocratisation.

Le moule du système d’enseignement français reste globalement élitiste, et c’est à partir de ce moule que tou(te)s les élèves doivent se fondre.

À la base des problèmes de l’école, on trouve la question des moyens notoirement insuffisants pour lutter contre l’échec scolaire, former davantage les personnels , assurer une réelle gratuité de l’enseignement public, former des classes moins nombreuses.

Pour nous libertaires, il ne s’agit toutefois pas seulement d’une affaire de moyen, mais de finalité.

L’école que nous voulons construire doit permettre de développer l’esprit critique et l’autonomie autant que l’acquisition de savoirs

Les choix de la droite sont bien sûr tout autres. Il s’agit d’accroître le tri social, de faire de l’école une annexe de l’entreprise où les patrons pourront puiser une main-d’œuvre dressée à laquelle sera dispensé un Smic éducatif. L’élite quant à elle suivra la voie royale des classes européennes, du lycée, des grandes écoles et des universités les plus « compétitives ».

Le discours sur le rétablissement de l’autorité des enseignant(e)s et des directeurs/trices d’école n’est pas un simple discours de façade destiné à cacher une absence de projet pour l’école comme le dénoncent certain(e)s commentateurs/trices.

C’est un programme qui s’inscrit dans un projet qui n’a rien à envier au projet de remise en ordre de la France cher au Front national.

Un programme de haine des jeunes qui ne rentrent pas dans ce moule, de haine des enseignant(e)s qui refusent d’être des hussards de la République de marché, de haine de l’autonomie, de la liberté et de la démocratie.

Plus globalement, il s’agit d’un programme autoritaire visant à mettre au pas toutes celles et ceux qui refusent de jouer le jeu de la bipolarisation politique entre une droite réactionnaire et un PS aspirant à réguler à la marge le capitalisme. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le projet de restriction du droit de grève actuellement en gestation et devant servir à désarmer les cheminot(e)s afin de privatiser en douceur la SNCF.

Au-delà du débat franco-français, la politique réactionnaire en vigueur s’inscrit de plus en plus dans un axe autoritaire international dans lequel on retrouve les Bush, Blair, Berlusconi, Schroeder et Poutine.

Alors que la résignation domine, il va falloir en appeler à la conscience de classe et se donner des coups de pieds au cul rapidement (la loi d’orientation doit être votée au printemps 2005) pour faire échec à un projet éducatif qui nous ramènerait 30 ans en arrière.

Nous sommes le peuple comme le disent les manifestant(e)s allemand(e)s du lundi ! Et, comme une partie d’entre eux/elles, nous pensons que c’est d’une véritable révolution anti-autoritaire et sociale qui balayera cet ordre capitaliste inique dont nous avons besoin.

Alternative Libertaire, le 22 septembre 2004

 
☰ Accès rapide
Retour en haut