Hongrie : Laboratoire nationaliste




Alors que la « crise » du capitalisme financier ébranle les économies européennes, la Hongrie est, avec la Grèce, l’un des pays où elle se fait le plus ressentir. C’est dans un contexte social délétère que le Fidesz, parti au pouvoir avec à sa tête Viktor Orbán, a été réélu en avril 2010 face à une opposition social-démocrate complètement discréditée par la corruption et les tensions internes.

La crise économique et politique actuelle n’a pas épargné la Hongrie. Le taux de chômage atteint près de 11 % et la pauvreté touche 14,5 % de la population. La monnaie nationale, le forint, a perdu près de 25 % de sa valeur face au dollar. Au départ, le Fidesz de Viktor Orbán a pris lors des dernières élections un virage assumé vers le conservatisme radical, voire un nationalisme et un autoritarisme prononcé. Le fait que le Jobbik , principal parti d’extrême-droite hongrois, ait réuni 20 % des suffrages, n’y est pas étranger, et entraîne une droitisation radicale des débats.

Une réforme de la « Loi fondamentale » (la constitution hongroise), avec plusieurs mesures phares qui ouvrent la voie à un régime nationaliste, est en cours. Dans cette nouvelle mouture apparue le 1er janvier 2012, le terme « république » pour désigner la Hongrie disparaît. La nouvelle loi précise aussi les « racines chrétienne » de la Hongrie, leitmotiv de l’extrême droite européenne. Elle donne aussi le droit de vote aux populations de langue hongroise en dehors des frontières du pays. Enfin, cette « Loi fondamentale » modifiée donne beaucoup plus de pouvoir à l’Exécutif, qui peut désormais contrôler la cour constitutionnelle et asseoir sa domination sur le Parlement, et s’accompagne d’un musellement progressif des médias, notamment des radios, avec la perte de la fréquence de la seule radio d’opposition, Klubrádió.

[*Milices et camps de travail*]

Certains journalistes trop dérangeants ont également été mis à pied où même licenciés. On voit bien ici la dérive autoritaire du gouvernement, couplée à une volonté politique de réanimer la lubie hungariste [1] de la « Grande Hongrie », qui ne peuvent que renforcer une extrême droite déjà puissante.

Car parallèlement à ces mesures gouvernementales, les milices d’extrême droite (notamment la Garde Hongroise du parti Jobbik) pullulent dans les villages du Nord du pays, organisant des marches aux flambeaux, et persécutant les populations Rroms, qui fuient à l’annonce de leur arrivée. Le village de Gyöngyöspata est ainsi tristement célèbre pour avoir vu déferler dans ses rues des milices du parti Jobbik venues terroriser les populations Rroms. Ce cas n’est malheureusement pas isolé, et des défilés de la Garde hongroise ont lieu régulièrement à travers le pays. De même, un fort courant antisémite se propage dans le pays, dont l’exemple le plus marquant est la nomination de deux antisémites notoires en octobre 2011, György Dörner et Istvan Csurka, à la tête du théâtre de Budapest par le maire de la ville lui-même membre du Fidescz, démontrant la frontière désormais infime qui sépare le parti au pouvoir du Jobbik et du reste de l’extrême droite hongroise. L’exemple le plus inquiétant et en même temps le plus révélateur du programme faussement « antilibéral » de Orban , est l’ouverture de véritables « camps de travail » surveillés par d’anciens militaires ou policiers, où sont censés « travailler » presque gratuitement les allocataires des minimas sociaux, et en premier lieu les Rroms.

[*Une opposition désorganisée*]

Cette politique économique protectionniste, au lieu de sortir la Hongrie de la crise, contribue à l’y maintenir au profit d’une minorité. Devant l’effet désastreux de ces mesures idéologiques, des manifestations massives ont déjà eu lieu notamment à Budapest où elles ont réunis près de 100 000 personnes. Cependant, l’opposition au pouvoir, qui ne peut s’incarner dans les partis traditionnels discrédités, pèche par son manque de coordination et l’absence d’alternative prononcée, ainsi que par la passivité de la grande majorité de la population hongroise, laminée par les problèmes économiques et sociaux croissants. De son côté , l’Union européenne a protesté timidement contre les atteintes à la liberté d’expression commises par le gouvernement hongrois, et s’est contentée de menacer celui-ci de sanctions, mais seulement sur le retrait des projets de taxes aux frontières pour l’importation, se gardant bien par ailleurs de dénoncer les projets xénophobes, anti-Rroms et autoritaires de Viktor Orbán, qui a pu installer son régime sans grande inquiétude.

[*Réagir maintenant !*]

Le cas de la Hongrie nous apprend en tout cas une chose : l’autoritarisme n’est pas mort en Europe et n’a besoin que d’une occasion pour resurgir. Il s’installe d’autant plus facilement quand la population et les forces politiques progressistes et révolutionnaires sont désorganisées. D’autre part, il serait vain de croire que le libéralisme, doctrine économique, ne s’accommode pas de régimes autoritaires, l’attitude de l’Union européenne le prouve. L’enchaînement des lois et des traités sécuritaires et répressifs qui s’installent partout en Europe et dans le monde, montre la nécessité d’un mouvement alternatif organisé et solidaire, qui ne doit pas attendre l’arrivée d’un Orbán au pouvoir pour réagir. En Hongrie comme ailleurs, la lutte antifasciste est internationale et doit réunir toutes et tous les anticapitalistes.

Hugues (AL Banlieue Nord-Ouest) et Steve (AL Paris Sud)

[1Théorie fasciste hongroise des années 1940, qui reste la principale base actuelle de l’extrême-droite hongroise. Elle a pour principe l’antisémitisme, la xénophobie (en particulier anti-Rroms) et la réalisation de la « grande Hongrie » regroupant toutes les populations hongroises, ainsi que l’exaltation de la « spécificité nationale hongroise ».

 
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