1927 : Shanghai se soulève contre l’impérialisme




Le 21 mars 1927, les organisations ouvrières de Shanghai prennent le contrôle de la ville. Leur lutte, qui se veut anti-impérialiste autant que sociale, donne un formidable espoir aux prolétaires de Chine, soumis à l’oppression coloniale des puissances étrangères et à la domination féodale des seigneurs de guerre qui se partagent le pays.

Depuis la révolution de 1911, la Chine est une République. Mais le gouvernement nationaliste de Sun Yat-sen perd le pouvoir dès 1913 et le pays est en proie à des "seigneurs de guerre", chefs militaires qui imposent leur pouvoir sur une province, négociant au coup par coup leur soutien au gouvernement central de Pékin. Les puissances étrangères (Royaume Uni, France, Etats Unis principalement mais aussi Japon, Allemagne, Russie jusqu’en 1917, Empire austro-hongrois, etc. ) et en profitent pour accroître leur présence, étendre leurs droits coloniaux et leurs concessions dans les grandes villes du pays. Le mouvement ouvrier est quasiment inexistant avant le « mouvement du 4 mai ».

Le réveil ouvrier

Le 4 mai 1919, la Chine apprend que la conférence de Versailles a décidé de confier au Japon les droits coloniaux de l’Allemagne sur le Shandong... alors que ce territoire faisait partie des motifs d’entrée en guerre de la Chine aux côté de la Grande Bretagne et de la France en 1917. Une manifestation étudiante spontanée rassemble plus de 3000 personnes à Pékin et s’attaque à plusieurs ministres nippophiles, dont Cao Ru-lin, dont la maison est incendiée. L’étudiant qui franchit le premier le seuil de cette maison est Kuang Husheng, un anarchiste. Quoique divisés en groupes indépendants, les anarchistes sont alors l’une des principales force politique du pays, loin derrière le parti nationaliste Guo min dang (GMD) de Sun Yat-sen [1]. Les premiers groupes anarchistes chinois connus remontent à 1906-1907, l’un à Paris autour de Zhang Jingjiang, Li Shizeng et Wu Zihui, l’autre à Tokyo autour de Liu Shipei et He Zhen. En Chine, c’est à partir de 1912 que Canton devient une place forte du mouvement anarchiste, qui touche encore peu le prolétariat.

En 1919, ce vaste mouvement anti-impérialiste, d’abord étudiant, s’étend à tout le pays et se poursuit par des boycott anti-japonais. Il voit l’intervention massive de la classe ouvrière : des grèves et manifestations anti-japonaises se déroulent sous l’œil bienveillant de la bourgeoisie nationaliste, des chambres de commerce (qui vont jusqu’à financer les grévistes) et du GMD qui dirige à Canton un gouvernement rival à celui de Pékin gouvernement une partie du Sud de la Chine. Le GMD est très intéressé par l’irruption de cette nouvelle force politique pouvant l’appuyer dans sa lutte contre les puissances étrangères et les « militaristes », terme qui désigne autant les seigneurs de guerre que le gouvernement de Pékin qui collabore avec certains d’entre-eux.
Dans un pays très majoritairement rural, où les industries modernes sont rares et souvent étrangères, l’émergence du prolétariat sur la scène politique s’accompagne de la création de nouvelles organisations. Les anciennes associations et guildes corporatistes, qui alliaient capitalistes, cadres et ouvriers d’un métier ou d’un territoire se transforment ou sont remplacées petit à petit par des organisations de classe, spécifiquement ouvrières [2]. Les liens restent forts avec les petits artisans pauvres, les marchands des rues et une bonne partie de la bourgeoisie chinoise opposée aux puissances étrangères, mais le prolétariat n’oublie pas ses propres revendications.

Les grèves deviennent plus fréquentes, amplifiant une combativité ouvrière déjà observée en 1917-18. Ces conflits ont généralement une motivation économique et sociale mais le caractère anti-impérialiste leur donne un échos supplémentaire lorsque des patrons occidentaux sont mis en cause.

A Changsha dans le Hunan, les anarchistes Pang Ren-quan et Huang Ai sont à l’initiative de la création en 1920 de l’Association des travailleurs du Hunan, principale force syndicale qui mène les grèves des années 1920-22, en bonne entente avec les premiers groupes communistes de la région dirigés par le jeune Mao Ze-dong. Suite à une grève dans la cotonnière provinciale de Changsha, débutée le 31 décembre 1921 contre la baisse des primes de nouvel an, Huang et Pang sont envoyés par les grévistes négocier avec le gouverneur Zao Heng-ti le 17 janvier 1922. Le gouverneur accepte la plupart des demandes des grévistes mais en profite pour faire décapiter sur le champ les 2 anarchistes, dont les têtes sont exposées devant une porte de la ville, et interdire l’Association. Celle-ci, entrant dans la clandestinité, restera donc aux mains des bolcheviks.

Vague rouge

Les anarchistes sont parmi les premiers contactés par l’émissaire de la Russie soviétique, Gregory Voitinski, qui tentent de mettre en place un parti communiste dès 1918. Enthousiasmés par la révolution russe, les anarchistes chinois collaborent activement avec les "marxistes" (dont les convictions idéologiques sont souvent récentes et peu dogmatiques), jusqu’en 1920-21 lorsqu’un parti communiste se met en place sur le modèle bolchevik.

Le parti communiste est créé en juillet 1921 à Shanghai. Un an plus tard, il compte 1000 membres, auxquels il faut ajouter les 5000 membres des « jeunesses socialistes », alors que les groupes anarchistes en totalisent plus de 50 000. Suivant la stratégie de l’internationale communiste, la priorité du PCC est de lutter contre le colonialisme et le féodalisme (représenté par les seigneurs de guerre), en s’alliant avec la bourgeoisie révolutionnaire chinoise, c’est à dire avec le GMD. Cette alliance est scellée en septembre 1923 et dès janvier 1924 le congrès du GMD accepte la double appartenance. Plusieurs communistes, dont Mao Ze-dong, intègrent le comité central [3].

Une académie militaire est mise en place à Huangpu près de Canton en 1924 avec l’aide directe de l’URSS pour former les cadres de l’armée nationale révolutionnaire aux techniques militaires mais aussi au communisme et à la philosophie de Sun Yat-sen. Dans cette période de combativité ouvrière et d’alliance avec l’URSS, le dirigeant nationaliste fait évoluer son discours à gauche, mettant en avant ses « 3 principes du peuple », définis 20 ans avant : démocratie, nationalisme et justice sociale (aussi traduit par « bien être du peuple »). La bourgeoisie chinoise chercher effectivement à développer son activité économique face aux concurrents occidentaux et doit pour cela se débarrasser de l’instabilité créée par les seigneurs de guerre. Elle se montre souvent bienveillante avec le mouvement ouvrier. Mais Sun entend bien laisser la classe ouvrière dans un rôle subordonné comme il l’indique clairement lors de son discours du 1er mai 1924 devant les ouvriers de Canton.

PCC et GMD sont suffisamment influents dans les grands syndicats (chemins de fer, marins,...) pour que ces organisations convoquent une conférence nationale du travail à Canton le 1er mai 1925. 166 syndicats représentants 540 000 adhérent-e-s sont présents. Les anarchistes y sont marginalisés. Le congrès prend des résolutions contre les gong-zei brigands du travail », c’est à dire les « jaunes ») où l’on classe aussi bien des anarchistes du Hunan (hostiles au parti communiste) que les syndicats corporatistes favorables à la collaboration avec le patronat. Un « syndicat général pan-chinois » est créé, dont la direction est essentiellement composée de communistes, et qui adhère aussitôt à l’Internationale syndicale rouge.

Shanghai s’embrase

L’alliance PCC-GMD divise les anarchistes. Si certain-e-s, notamment des anciens du groupe de Paris, collaborent déjà activement avec le GMD (quelques uns, comme Can Yuanpei, sont même devenu ministres), d’autres rejettent toute collaboration avec la nouvelle alliance nationaliste-communiste dont l’objectif de libération nationale ne remet pas en cause les structures de l’exploitation capitaliste. D’autres anarchistes, tel Ba Jin du Sichuan et Ou Shengbai de Canton, estiment qu’on ne peut pas se couper de la révolution en cours, du formidable élan ouvrier à partir 1925.

De mai 1925 à avril 1927, les grèves s’enchaînent et se radicalisent. Elles bénéficient du soutien des autorités nationalistes du sud du pays, au point qu’en août 1924, dans le cadre d’un conflit avec les « volontaires marchands », milice patronale créée à Canton en 1923, les syndicats cantonais créent une « armée des groupements ouvriers », soutenue par Sun. Le gouvernement de Canton promulgue en octobre 1924 une loi très libérale pour reconnaître les syndicats.
La grève des 12000 ouvriers et ouvrières des cotonnières de Qingdao, dans le territoire du Shandong (que le Japon venait de rétrocéder à la Chine en 1922), en avril-mai 1925, est réprimée par les autorités du gouvernement de Pékin. Entre 2 et 8 morts sont recensés le 29 mai.
Les cotonnières japonaises de Shanghai (ville sous l’autorité du gouvernement de Pékin) se mettent aussi en grève. Le 15 mai, un contremaître japonais tue un ouvrier lors de l’envahissement d’un atelier par les grévistes. Le 30 mai, la police tire sur une manifestation qui assiégeait un poste de police, faisant 10 morts et plus de 150 blessés. Ce « mouvement du 30 mai » débouche sur la création d’un syndicat général de Shanghai qui met plus de 150 000 personnes en grève en quelques semaines (surtout dans les entreprises étrangères) et se dote de nouveaux moyens de lutte : un bulletin de grève intitulé « Journal du sang » permet de contrer la propagande impérialiste, des « sections de surveillance » protègent les activités syndicales et arrêtent les briseurs de grèves. Les autorités des concessions étrangères proclament la loi martiale, mobilisent des renforts d’infanterie et concentrent 26 navires de guerre sur le Huangpu, le fleuve qui traverse la ville.

Le 26 février 1927, des renforts français sortent de la concession pour aider à la répression de l’insurrection.

Un mouvement de solidarité massif traverse toute la Chine : 300 000 personnes manifestent à Pékin, des banques et entreprises étrangères sont brûlés à Jiujiang, des grèves de solidarité se déclenchent dans tout le pays. Souvent la police chinoise ou l’armée britannique tirent, faisant plusieurs dizaines de morts en quelques semaines.
Ce n’est que fin août que le travail reprend après des accords sur l’interdiction des mauvais traitements dans les usines, l’indemnisation de l’ouvrier tué le 15 mai et le paiement partiel des jours de grèves (par le patronat chinois, heureux de contribuer à la relance de l’économie, et non le patronat étranger pourtant ciblé par la grève). D’autres mouvements prennent la suite dans les Postes ou l’édition. Par vengeance, les autorités de la ville interdisent le syndicat général le 19 septembre au prétexte que la loi reconnaissant le syndicalisme n’a pas encore été promulguée.

Les syndicats gong-zei, qui ont vainement tenté de s’opposer au mouvement du 30 mai, ont perdu toute crédibilité. A partir de 1925, le syndicalisme de classe, même interdit et clandestin, a clairement pris le dessus. Mais la bourgeoisie chinoise commence à redouter ce mouvement ouvrier, d’autant plus que les puissances étrangères se montrent plus ouvertes à renégocier les traités inégaux. Pour une partie de la bourgeoisie chinoise, la lutte anti-impérialiste ne suffit plus à justifier l’alliance avec le prolétariat. D’ailleurs le grand promoteur de cette alliance, Sun Yat-sen, est mort en mars 1925.

Le sud s’embrase

A Hongkong, territoire britannique, la grève de solidarité avec Shanghai démarre le 19 juin 1925 et s’étend très vite à la métropole voisine de Canton, siège du gouvernement nationaliste. Le 23 juin, une manifestation est prise pour cible par les troupes britanniques et françaises de l’île de Shamian à Canton : 52 morts et plus de 100 blessés. La grève s’étend au point que même les syndicats gong-zei y entrent. Hongkong est boycottée, près de 100 000 travailleurs et travailleuses chinois-es quittent la ville et seul le comité de grève peut donner aux navires une autorisation spéciale d’entrée dans son port. Ce comité va jusqu’à organiser un tribunal et une prison pour sanctionner les marchands qui tentent de briser le boycott.
Le mouvement dure jusqu’au 10 octobre 1926 car le départ en juillet de « l’expédition du nord » de l’armée nationale révolutionnaire rend difficile de maintien d’une telle mobilisation économiquement préjudiciable à un gouvernement en guerre. Le comité de grève qui avait acquis un pouvoir aussi important que le gouvernement nationaliste, accepte de sacrifier sa lutte face aux impératifs de l’unité nationale.

Cette expédition du nord, dirigée par Tchang Kaï-chek, vise à se débarrasser des seigneurs de guerre et du gouvernement de Pékin. Tchang représente l’aile droite du GMD, hostile à l’alliance avec les communistes. Ses amis démarrent une intense propagande anti-communiste au sein du GMD, notamment menée par 4 anciens anarchistes, Cai Yuanpei, Zhang Jingjiang, Li Shizeng, Wu Zihui, surnommés « les 4 aînés ». Méfiant, le gouvernement de Canton dirigé par Wang Jingjei, déménage à Wuhan, l’une des grandes villes ouvrières, en janvier 1927.

Malgré ce travail de sape, le mouvement syndical se développe dans les provinces conquises par l’Armée révolutionnaire. Le syndicat général pan-chinois atteint les 3 millions de membres en 1927, dont 2 millions d’artisans et employés de boutique. Mais en février 1927, Tchang cesse de poursuivre les armées du nord qui se replient à Pékin : il s’oriente vers Shanghai. Veut-il s’en prendre aux puissances étrangères dont les intérêts se concentrent à Shanghai ? Ou au syndicat général de Shanghai qui, bien que clandestin, vient de tenter une nouvelle grève insurrectionnelle ?

Les milices ouvrières s’arment pour prendre le contrôle de Shanghai en mars 1927.

Shanghai se soulève encore

Le 19 février 1927, le syndicat général de Shanghai lance un mot d’ordre de grève générale avec des revendications traditionnelles (salaires, droits syndicaux, repos payés, assurances...) et des mots d’ordre politiques (soutien à l’armée nationale révolutionnaire, libertés civiles, gouvernement populaire de la ville). Le deuxième jour, il y a déjà 250 000 grévistes. Mais la riposte militaire du commandant de Shanghai Li Bao-zhang est implacable : le 20 février, 20 syndicalistes sont décapités et leurs têtes exposés aux carrefours, tout attroupement est dispersé, 300 syndicalistes connus sont arrêtés. Alors que la grève s’essouffle, le syndicat finit par lancer un appel clair à l’insurrection armée le 22 février. L’armée révolutionnaire est arrivée à 40 km de la ville, mais Tchang fait stopper son avancée, laissant son adversaire Li Bao-zhang réprimer l’insurrection.

Mais loin de baisser les bras, le syndicat général tire le bilan de son échec et prépare une nouvelle tentative sur le modèle bolchevik : renforcement de la discipline syndicale, expéditions punitives contre les gong-zei, armement et accroissement des effectifs des sections de surveillance, diffusion massive de tracts et journaux, négociations avec les associations marchandes de rue et la bourgeoisie nationaliste pour créer un Congrès municipal populaire...

Le 21 mars, l’armée révolutionnaire entre dans la banlieue de la ville, le syndicat appelle à la grève générale en annonçant l’arrivée imminente de l’armée révolutionnaire. La presse évoque 800 000 grévistes... soit 200 000 de plus que les chiffres du syndicat. Les sections de surveillance attaquent les postes de police, coupent les communication et l’électricité. Le lendemain, 500 miliciens ouvriers ont été tués mais les syndicats sont maîtres de la ville lorsque la première division de l’armée révolutionnaires y entre, désobéissant à l’ordre de Tchang Kaï-chek de laisser une fois de plus le mouvement syndical seul.

Que faire de la victoire ?

Le gouvernement populaire prévu par les syndicalistes laisse une large place à la bourgeoisie chinoise, dans un souci permanent de ne pas briser l’alliance entre les classes au sein du mouvement nationaliste. Ce gouvernement consent à satisfaire la plupart des revendications syndicales et dès le 23 mars le syndicat générale donne l’ordre de reprendre le travail. Cette insurrection n’a donc servi qu’à instaurer un gouvernement nationaliste qui se présente comme démocratique et libéral. Les communistes, aux commandes du syndicat général, restent fidèles à leur stratégie. Si le syndicat passe de 76 000 adhérent-e-s en janvier à 821 000 fin mars, il ne profite pas de cette force pour s’attaquer aux capitalistes chinois, malgré l’enthousiasme des grévistes. Les revendications présentées dans les deux semaines suivantes se limitent à des questions d’hygiène dans les teintureries, de distribution des primes ou le droit de porter la « veste Sun Yat-sen » (plus tard rebaptisée « col Mao ») au travail. Il s’agit d’une consigne donnée dès le 23 mars par le syndicat : éviter tout conflit avec les marchands.

Le 12 avril 1927, des syndicalistes sont exécutés dans les rues par l’armée nationaliste.

Tchang peut donc tranquillement se préoccuper de désarmer les milices ouvrières. Il prépare soigneusement un coup de force en déplaçant les troupes de l’armée révolutionnaire qui ont fraternisé avec les grévistes, en recrutant des malfrats de la « bande verte » (mafia locale), en négociant le soutien des troupes françaises et britanniques, suscitant la création d’une « association générale fédérative de l’industrie » qui puisse apparaître comme un syndicat rival. En tentant de désarmer les milices ouvrières, la police provoque des affrontements le 2 avril et le 8 avril, ce qui accroît la tension. Un peu partout dans les villes conquises par Tchang, la répression anti-syndicale devient violente (assassinat ciblés, attaques de locaux,...). Les syndicats sont interdits dès qu’ils ripostent. Même le gouvernement de Pékin combat, profite de l’occasion pour arrêter les communistes.

Les communistes cherchent malgré tout à ne pas briser l’alliance avec la bourgeoisie. En Europe, ils continuent à soutenir Tchang Kai-chek et Pierre Sémard écrit dans l’Humanité le 12 avril 1927 : « Le parti Kouomintang sera assez fort pour surmonter ces difficultés et pour poursuivre la lutte libératrice jusqu’à la victoire ».

Le vrai visage du nationalisme

Le même jour, à 4h du matin, des troupes de mafieux, équipés de brassards « gong » (travail), aidés de policiers et de militaires, attaquent des dizaines de locaux syndicaux et emprisonnent les syndicalistes. Les autorités justifient l’intervention militaire par des conflits entre syndicalistes. Spontanément des rassemblements s’organisent dans la journée en soutien au syndicat général. Le 13 avril, le syndicat, à nouveau clandestin, appelle à une grève générale, très suivie. Plus de 100 000 personnes manifestent dans le faubourg ouvrier de Zhabei, où l’armée tire à la mitrailleuse, faisant plus de 100 morts. La menace d’intervention des troupes françaises et britanniques finit de décourager les grévistes le 16 avril.

Avec la fin du syndicat général de Shanghai, la voie est libre pour réprimer toute la gauche chinoise : le 15 avril, 2000 militant-e-s sont raflés à Canton. Malgré cela, au congrès du PCC à la fin du mois, le secrétaire général Chen Du-xiu continue à vouloir se concilier la bourgeoisie nationaliste et demande de freiner les revendications ouvrières ! Trois mois plus tard, Tchang reprend le contrôle du gouvernement de Wuhan et un an après, il unifie toute la Chine dans un régime nationaliste autoritaire.

Les anarchistes soutenant Tchang Kai shek profiteront de sa victoire pour ouvrir à Shanghai à la fin de l’année 1927, une université nationale du Travail, pour les enfants de paysans et d’ouvriers, qui se veut fidèle aux idées de Kropotkine sur l’alliance du travail manuel et des études. Cette université sera marginalisée dès 1928, lorsque le GMD n’aura plus besoin des anarchistes et commencera la purge au sein de la fédération des syndicats de Shanghai, qu’il avait lui même suscité... sans que Li Shizeng et Wu Zihui ne lève le petit doigt pour sauver leurs camarades. L’université fermera se portes en 1932.

Les communistes, rejoints par beaucoup d’anarchistes, se replient à l’ouest et commencent à miser sur la population paysanne pour relancer leur révolution. D’autres anarchistes continueront à agir clandestinement, notamment par le biais de leur militantisme pour l’esperanto.

Renaud (AL Alsace)

[1Voir Jean Jacques Gandini, « L’anarchisme, face cachée de la révolution chinoise », dans Perspectives chinoises, 1993, numéro 1.

[2Voir Jean Chesneaux, le mouvement ouvrier chinois de 1919 à 1927, 1962.

[3Le congrès est d’ailleurs ajourné pour rendre hommage à Lénine dont le décès vient d’être annoncé.

 
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