Irlande : Une contestation encore très timide




Face à la casse sociale opérée par le gouvernement, les travailleuses et travailleurs irlandais peinent à se mobiliser. Lorsque les manifestants athéniens proclament « On n’est pas l’Irlande : on résistera ! », les habitants de l’île d’Émeraude ne peuvent que considérer la situation avec amertume.

À la fin des années 1990, l’Irlande était surnommée le « Tigre celtique » en référence aux Tigres asiatiques, avec une croissance économique dépassant chaque année les 10 %. Cette période vit le pays passer d’une situation de sous-développement postcolonial à une économie moderne et mondialisée. Mais les années du Tigre celtique sont révolues et la crise économique mondiale, particulièrement sévère pour l’Irlande, a creusé un déficit budgétaire atteignant les 13 % début 2009. La réponse du gouvernement a été de s’aligner sur le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne, entraînant d’importantes coupes budgétaires et deux baisses de salaires successives représentant 14 à 18 % des revenus des travailleurs du secteur public. Mises à part quelques grandes manifestations et une journée de grève générale en octobre, une contre-offensive de l’envergure de celle d’Athènes n’a vu le jour ni à Dublin, ni dans le reste de la république.

Des organisations syndicales en crise

La crise a entraîné une hausse du chômage dans le privé et particulièrement dans le secteur du bâtiment. Le machiavélisme du gouvernement Fianna Fail et de ses soutiens dans les médias a été d’utiliser cette situation pour monter les travailleurs du privé contre les fonctionnaires. La réaction des syndicats du secteur public a été en décalage avec les enjeux : durant les années de croissance économique, un système de « partenariat social » permit d’aboutir à des négociations salariales sur le plan national entre syndicats, patrons et gouvernement contre la promesse de ne pas faire grève. Depuis le crash, gouvernement et patronat n’ont plus aucun intérêt à faire perdurer ce système ; mais les directions syndicales, après des années de « paix sociale », ont perdu l’habitude de lutter.

La grève du zèle

Mais les travailleuses et les travailleurs irlandais n’ont pas baissé les bras. Depuis le début de l’année, sous la pression des salarié-e-s du public, les syndicats ont lancé une campagne de grève du zèle. La gauche militante est bien sûr plus que dubitative aussi bien sur cette tactique que sur les objectifs des directions syndicales qui se contentent d’exiger des négociations sur les baisses de salaires. Néanmoins cette campagne a su suscité l’inquiétude de la classe politique : l’Irlande ayant un système politique fondé sur le clientélisme, le refus des salarié-e-s du public de répondre aux demandes des politiciens pour favoriser leurs électeurs gêne considérablement. En outre, dans des secteurs tels que l’éducation et la santé, les travailleurs ont réussi à faire voter des journées de grève pour protester contre les baisses de salaire. Ainsi, malgré les défaites de 2009, l’année à venir semble plus propice aux mouvements de contestation.

Paul (Workers Solidarity Movement, Dublin)

 
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