Les Classiques de la subversion : David Harvey, « Le Capitalisme contre le droit à la ville »




Comment et pourquoi reprendre le contrôle de la production de l’espace urbain ? C’est à cette ambitieuse question théorique – mais d’une immense portée pratique – que David Harvey, géographe marxiste, tente d’apporter une réponse. Dans ce petit recueil de trois textes regroupés sous l’intitulé Le Capitalisme contre le droit à la ville et qui se veut une prolongation du travail d’Henri Lefebvre, l’auteur précise la place particulière du processus d’urbanisation dans le système capitaliste et esquisse les voies qui nous sont ouvertes pour le reprendre en main.

Il rappelle que les villes trouvent leurs origines dans la concentration géographique et sociale de surproduit. En effet, la genèse des cités pré-antiques a été permise par l’existence de biens marchands qui ne trouvaient plus de débouchés dans des communautés rurales autosuffisantes. De nos jours, l’urbanisation constitue même une condition essentielle à la survie du capitalisme puisque ce dernier a, plus que jamais, besoin de pouvoir faire absorber les surplus qu’il génère continuellement et l’extension des villes permet cette absorption.

Ainsi le cadre urbain est un point de focalisation évident de la lutte des classes, notamment à travers la confrontation pour l’occupation de l’espace.

L’urbanisation capitaliste, se calibrant selon l’usage des terrains en termes de rentabilité, n’est autre qu’un processus d’accumulation par dépossession à travers l’éloignement sans cesse grandissant des populations les plus modestes des centres-villes.

Pour contrer cette dynamique, l’auteur nous invite à se réapproprier le concept lefebvriste de « droit à la ville ».

Selon lui, cette proposition nous amène à nous éloigner des canons marxistes issus d’une lecture datée, car de la stratégie classique du contrôle ouvrier découle la vision de l’usine comme lieu central de la production de plus-value et donc de l’exploitation, alors qu’aujourd’hui la ville, à travers sa production, en est également un site de création – si ce n’est le principal.

Dès lors, dans les pays à capitalisme avancé où le prolétariat industriel se réduit, il conviendrait de se retourner vers le potentiel révolutionnaire des citadins. Pour cela, les syndicats devraient alors favoriser leur développement sur des bases géographiques plutôt que professionnellement et sectoriellement car les questions de classe, bien que trouvant leur origine dans l’opposition capital-travail, imprègnent l’ensemble des rapports quotidiens extra-professionnels.

D’où la nécessité d’organiser également les précaires qui représentent une bonne part des travailleurs urbains. Comme le formule Harvey, « si la lutte des classes ne se réduit pas au lieu de travail, alors les syndicats ne devraient pas s’y cantonner non plus » et « c’est (donc) cette question que la gauche doit placer au cœur de sa stratégie politique dans les années à venir ».

JR (AL Alsace)

  • David Harvey, Le capitalisme contre le droit à la ville : Néolibéralisme, urbanisation, résistances, éd. Amsterdam, 2011, 93 pages, 7,70 euros
 
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