Les classiques de la subversion : Le socialisme des intellectuels de Jan Waclav Makhaïski




La révolution russe de 1917 ébranla le monde. Un nouveau type d’État allait se construire, basé sur la dictature du prolétariat. Le principal dirigeant bolchevik, Lénine, déclarait alors dans une brochure vouloir que même « les cuisinières apprennent a diriger l’État ».

Et puis tout ne s’est pas passé comme ça « tout le pouvoir aux soviets » s’est transformé en « tout le pouvoir pour le parti », un parti de fonctionnaires, d’état, un état qui ne se risquait plus à promettre de remettre la direction aux cuisinières.

La création de ce capitalisme d’état était-elle le fruit des circonstances désavantageuses, de la défaite de la révolution en Allemagne ? Sûr que ça n’a pas aidé. Mais peut être que le socialisme de l’époque portait en germe ce capitalisme d’État, cette dictature de l’intelligentsia au nom des intérêts du prolétariat.

C’est le propos de Makhaïski, un marxiste russe d’extrême gauche du début du XXe siècle. Une compilation de ses écrits, réunis et traduits par Alexandre Skirda sous le titre Le socialisme des intellectuels longtemps épuisé, a été réédité en 2001 aux Editions de Paris.

Makhaïski y retourne la critique marxiste de l’exploitation contre Marx, les marxistes et en particulier le socialisme de la IIe Internationale. Dans plusieurs cahiers rédigés lors de sa déportation en Sibérie par le régime tsariste, Makhaïski y montre comment le socialisme, loin de vouloir l’abolition de l’exploitation, critique surtout la mauvaise gestion capitaliste. Pour l’auteur, les socialistes ne visent pas la fin des classes, mais plutôt la gestion des moyens de production par l’État au profit d’une nouvelle catégorie de professions intellectuelles. Il appuie sa critique sur une relecture serrée du capital, où il pense trouver l’erreur fondamentale des socialistes : la volonté de ne restituer au prolétariat que la valeur produite par lui au cours de l’année de travail, et non pas la mise en commun totale des moyens de productions. Ces machines, ces usines, c’est aussi des prolétaires qui les ont construites : c’est à tout le monde qu’elles reviennent. Cela passe, écrit-il par « l’annulation de la valeur de tout le travail passé (…) transformée en patrimoine commun ». Seul moyen de réorganiser la société sur des bases communistes, ce qui en fait un précurseur des théories actuelles de critique de la valeur. Mais contrairement à nombre des représentants modernes de ce courant ( souvent universitaires), il propose d’agir : il se veut promoteur de l’organisation autonome du prolétariat, débarrassé de ses leaders professionnels auto-proclamés.

Aujourd’hui, force est de constater que nombre de ses analyses gagnent à être relues. Et ne nous faisons plus avoir par ceux qui promettent d’apprendre aux cuisinières à diriger l’État : mieux vaut abolir l’État, et apprendre à tout le monde à faire la cuisine !

Nico (AL Marseille)

Jan Waclav Makhaïski, Le socialisme des intellectuels, Les Editions de Paris, 2001, 332 p.

 
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