Licenciements 2001-2009 : Des coordinations aux séquestrations




Depuis les prémices de la crise économique, les plans de licenciements se sont multipliés, avec une ampleur inédite. Mais paradoxalement, aucun mouvement massif, coordonnant les différentes luttes, et maîtrisé par les salarié-e-s mêmes ne se dessine – au contraire de ce qui s’était déroulé il y a huit ans...

Pendant l’hiver 2001, alors que se multipliaient les licenciements, plusieurs entreprises menacées de fermetures – comme Lu Danone, Marks et Spencer, Air Liberté – avaient fait la une des journaux.

Les plans de licenciement trouvaient leur origine dans la volonté de rentabiliser les actions en bourse, la déréglementation de certains secteurs, ou des faillites frauduleuses – après des années d’avantages fiscaux, au profit du patronat.

Dans toutes ces entreprises, le débat s’est engagé pour décider des moyens d’éviter fermetures et réductions massives d’effectifs. Plusieurs sections syndicales CGT, CFDT, FO et CFTC, furent à l’initiative d’une coordination nationale des entreprises en lutte. Elle aboutit notamment à l’organisation d’une manifestation nationale contre les licenciements, qui rassembla à Paris 20 000 salarié-e-s e en juin 2001. La création de la coordination permettait efficacement de briser l’isolement des salarié-e-s qui n’auraient pu s’opposer seuls aux licenciements prévus dans chaque entreprise, et n’auraient pas même eu la possibilité de négocier des contreparties.

Droit veto sur les licenciements

Les confédérations syndicales considérèrent avec méfiance les équipes syndicales à l’initiative de ce regroupement, y voyant la main de l’extrême gauche, et refusant d’embarrasser le gouvernement Jospin, qui estimait n’avoir rien à se reprocher, comme gestionnaire loyal au service du capital. La mobilisation fit émerger des revendications exclues jusque là du débat public : droit de veto du comité d’entreprise sur les licenciements défendu par la CGT-Danone, loi d’interdiction des licenciement portée par LO et la LCR, réquisition et mise en autogestion des entreprises soutenues par AL…

Ces propositions trouvèrent un écho auprès des salarié-e-s de Lu Danone. Dans l’entreprise, se créa d’ailleurs un comité de soutien groupant associations, syndicats et organisations politiques. Une campagne de boycott fut également lancée, à l’instigation de salarié-e-s licenciables, qui toucha près de 20 % de la production et fut relayé par les collectivités locales. Enfin, les ouvriers et employées de la région de Calais adoptèrent un plan de reprise et de réorganisation de l’entreprise par eux/elles-mêmes. Effrayés, les patrons de Danone hâtèrent la fermeture des usines pour couper court à toute initiative.

A Ris-Orangis, le personnel s’est organisé afin d’empêcher le déménagement des machines, puis contrôler la production et imposer une organisation du travail moins aliénante (baisse des cadences de travail). Il débattait aussi de la reconversion possible de l’activité de l’entreprise. Des discussions semblables s’étendirent à d’autres sociétés, comme STMicroelectronics, à Rennes. Enfin, dans certains cas, les personnes en luttes cherchaient plutôt un repreneur ou de meilleures indemnités de licenciement.

Caillassage des bureaux

En 2009, les salarié-e-s, face à une vague de licenciements plus importante, semblent moins audacieux. Ils et elles ont recours aux séquestrations de leurs dirigeants, au caillassage de leurs bureaux, mais sans tentative de coordination. La colère est plus tangible mais chacun tente de négocier isolément des indemnités de licenciement plus fortes. D’autant plus que le soutien des cinq confédérations syndicales est timoré..

Mais le traitement de choc que le capital entend nous imposer pour maintenir et accroître ses profits est durable. Non seulement la politique de destruction des emplois se poursuivra, mais en outre l’État va accroître la répression sur celles et ceux qui, selon lui, n’ont pas leur place dans la société.

Aussi n’y a-t-il pas d’autre solution que de s’organiser en combinant des mesures d’urgences et de rupture – comme le droit de veto des travailleurs sur les licenciements, le blocage des dividendes du capital en vue de son expropriation, la réquisition-autogestion des entreprises qui ferment et licencient partout où c’est possible.

Utopique cela sans doute, mais comme l’a dit un jour si bien un syndicaliste de Solidaires : semez de l’utopie, vous récolterez du réel.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

 
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