Lire : Anne Steiner, « Les En-dehors »




Ce sont de jeunes ouvrières et ouvriers révoltés, et complètement paumés par les belles phrases de quelques théoriciens de pacotille. Se voulant « en rupture » avec la société, ils ont pensé trouver leur rédemption dans une vie marginale faite de larcins, de théories scientistes et de régimes alimentaires ascétiques.

Ils et elles se vivent comme des « en-dehors », des intelligences supérieures à la « masse des abrutis » et n’ont qu’un souverain mépris pour les syndicalistes qui croient à la révolution sociale. Ils s’épuisent en des polémiques sans fin sur le comportement à adopter pour être un vrai anarchiste. Un jour, certains d’entre eux s’essaient au hold-up. Ils en mourront et passeront à la postérité sous le nom de « bande à Bonnot ».

C’est la dérive sectaire du milieu individualiste parisien entre 1908 et 1913 que nous raconte Anne Steiner, à travers les yeux d’une de ses protagonistes : Rirette Maîtrejean, animatrice de l’hebdomadaire L’Anarchie. C’est un très bon travail d’enquête, qui se lit avec plaisir.

On ne lui adressera que deux critiques.

D’une part, alors que cela le mériterait, le livre ne nous dit rien des réactions à l’affaire Bonnot du PS, de la CGT et de la Fédération communiste anarchiste.

D’autre part, Anne Steiner prend peut-être trop en sympathie son personnage principal, et elle en minimise les fautes, même les plus graves : trois mois à peine après l’exécution de ses anciens amis sur l’échafaud, Maîtrejean vendit au quotidien conservateur Le Matin ses « Souvenirs d’anarchie » où elle reniait son passé et livrait à l’hilarité publique toutes les turpitudes du milieu individualiste. Une attitude peu glorieuse mais ô combien représentative de l’atmosphère de débandade et de délation que le procès Bonnot provoqua chez les individualistes.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

  • Anne Steiner, Les En-dehors. Anarchistes individualistes et illégalistes à la "Belle Époque", L’Échappée, 2008.
 
☰ Accès rapide
Retour en haut