Lire : Jung : « Le chemin vers le bas »




Retour (très) critique du romancier Franz Jung sur les années rouge et brun en Allemagne, et voyage parmi les avant-gardes politiques et artistiques de l’époque.

C’est un livre difficile d’accès, qu’ont choisi de rééditer les éditions Agone. Paru une première fois sous le titre Le Scarabée-Torpille aux éditions Ned Ludd en 1993, Le Chemin vers le bas est une autobiographie du romancier allemand Franz Jung (1888-1963). Pourquoi publier l’autobiographie d’un auteur méconnu de ce côté-ci du Rhin, aucune de ses œuvres – hormis celle-ci – n’ayant jamais été traduite en français ? Sans doute parce que Franz Jung a également été un témoin de premier plan de certains épisodes de ces « années rouge et brun » (1918-1945) qu’Agone semble affectionner depuis la salutaire réédition de Secret et Violence de Georg K. Glaser.

Si l’ouvrage est truffé de références obscures sur les avant-gardes artistiques de l’époque – l’éditeur a heureusement inséré un glossaire sans lequel cet aspect du livre aurait été parfaitement hermétique –, il contient également un témoignage non dénué d’intérêt sur les événements révolutionnaires de l’après-1918.

Franz Jung a été militant – et a même participé à la direction – du Parti communiste ouvrier d’Allemagne (KAPD), une scission de gauche du Parti communiste allemand (KPD) début 1920. Il en offre un point de vue volontairement parcellaire, assemblage d’anecdotes, de portraits, d’épisodes rocambolesques et de considérations générales sur les dynamiques révolutionnaires, l’être humain, ses espoirs et ses désillusions. Le tout sur un ton badin qui souvent laisse perplexe.
Jung ayant voyagé et vécu en Russie soviétique, on en retiendra quelques passages attendus sur l’atmosphère kafkaïenne des congrès de la IIIe Internationale, et un témoignage saisissant sur l’épouvantable famine de 1921- 1922 dans la région de la Volga. Selon Jung, des villages entiers s’étaient résignés à la mort et se désintéressaient de l’aide humanitaire qu’on leur convoyait. Les paysans restaient prostrés chez eux, une grande Bible ouverte sur la table, attendant, imperturbables, le jugement dernier.

Guillaume Davranche (AL Montrouge)

 Franz Jung, Le Chemin vers le bas. Considérations d’un révolutionnaire allemand sur une grande époque (1900-1950), traduit de l’allemand par Pierre Gallissaires, deuxième édition revue et augmentée, 560 pages, Agone, 2007.

 
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