Logement : L’urgence des mobilisations




Avec une situation de plus en plus difficile pour se loger en France, les mobilisations des sans-logis et mal-logés font face au désengagement croissant de l’État. Micheline et Marie, militantes de l’association Droit au logement (DAL) en région parisienne, nous parlent des luttes en cours.

Alternative Libertaire : Pour commencer, quelle est la situation des sans-logis et mal-logés aujourd’hui, à l’heure des plans d’austérité ?

Micheline et Marie : Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté augmente et a dépassé les 8 millions en septembre. Les plans d’austérité ne vont qu’accroître les inégalités et accabler davantage les plus modestes. Cela va se faire ressentir sur le logement, le budget logement représente déjà de 30 à 50% du budget total des ménages, ce chiffre risque d’augmenter dramatiquement, ce qui va entraîner toujours plus de situations de surendettement, d’impayés de loyer, donc d’expulsions et de personnes à la rue. Or, il y a déjà aujourd’hui 3,6 millions de personnes sans logis ou très mal logées en France.

Qu’en est-il de la loi Dalo, et des difficultés des familles à faire valoir leurs droits ?

La loi sur le Droit au logement opposable (loi Dalo) a été mise en place en début 2008. Les ménages les plus en difficulté de logement peuvent ainsi faire reconnaître le caractère prioritaire de leur relogement et doivent être relogés dans les six mois suivants cette reconnaissance par la Préfecture. Mais l’État n’a pas donné les moyens à cette loi
d’être appliquée. Des familles ayant été reconnues prioritaires dès 2008 ne sont toujours pas relogées à ce jour, elles sont plus de 4 500 pour l’Ile-de-France selon les chiffres du gouvernement. Le nombre de ménages reconnus prioritaires et non-relogés pour la région étant de 24 500 toutes années confondues.

Les familles reconnues prioritaires depuis plus de six mois et toujours pas relogées ont la possibilité de saisir le tribunal administratif, l’Etat est ainsi condamné à payer une astreinte à un fonds géré par l’Etat. Cette astreinte a été plafonnée, passant ainsi de 3 000 euros par mois à 300 euros.

Face à la non application de la loi Dalo, quel est l’enjeu des mobilisations de sans-logis et mal-logés ?

Au sein du DAL, le collectif des oubliés du Dalo lutte depuis début 2009 pour dénoncer la non-application de cette loi et exiger leur relogement. Depuis trois ans, ce sont plusieurs centaines de familles qui se sont mobilisées en direction de l’Etat et des Préfectures pour demander que des moyens tels que la réquisition soient mis en place pour répondre en urgence.

Le collectif dénonce également les expulsions de logement tant dans le privé que dans le public, particulièrement celles des ménages reconnus prioritaires Dalo. Comment expliquer que l’Etat accorde le concours de la force publique pour une famille expulsable alors même qu’il est dans l’obligation de la reloger ?

Depuis la fin de l’été, des familles sans-logis et mal-logés ont installé un campement square Boucicaut à Paris. Quelle est l’organisation collective de ce campement ?

Depuis quelques mois, le nombre de personnes à la rue qui ne sont plus hébergées augmente. Ce sont même des familles, avec parfois des enfants en très bas âge, que le 115 ne prend plus en charge. En juillet, cette situation s’est encore aggravée avec la baisse des budgets et la réduction du nombre de places d’hébergement. Face à cela, le 16 juillet, les familles et personnes à la rue et le collectif des oubliés du Dalo ont occupé le square Boucicaut dans le 7e arrondissement de Paris. Ce lieu, au pied du Lutécia et entre Matignon et le ministère du Logement est devenu le point de ralliement quotidien des laissés-pour-compte de l’hébergement et du Dalo.

Elles et ils demandent à l’Etat d’appliquer les lois : la loi Dalo, la loi de réquisition et la loi d’accueil inconditionnel prévue par le Code d’action sociale et de la famille qui contraint l’Etat et les institutions à héberger dans la continuité toute personne à la rue.

La nuit, les familles sans logis sont hébergées dans les bureaux du DAL. Leur nombre grandissant, elles ont, à plusieurs reprises au cours de l’été, pris la décision de passer la nuit tous et toutes ensemble sur le trottoir. La répression a été très dure. Selon les nuits, nous avons été raccompagnés au métro, encerclés pendant des heures, emmenés dans des commissariats aux quatre coins de Paris pour des contrôles d’identités (y compris les bébés), gazés à coup de lacrymogènes (y compris les bébés toujours), et verbalisés.

Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement a, au bout de trois mois de lutte, enfin accepté, début octobre, de recevoir une délégation. Devant les représentants du collectif et les militants du DAL qui lui demandait la mise en place d’un plan d’urgence, il a reconnu la gravité de la situation, son obligation de relogement et d’hébergement et a dit ne pas en être satisfait, mais ne rien pouvoir faire.

La lutte continue ! Vingt-sept familles sont toujours sans hébergement et prévoient, avec l’ensemble du collectif, de nouvelles actions très vite !

De quels soutiens disposent les familles dans leur lutte ? Et comment s’est constitué le collectif Urgence un Toit ?

Dès juillet, en lien avec la baisse du budget et des places d’hébergement, des salarié-e-s du 115 au niveau national s’étaient mis en grève et ont décidé de se mobiliser avec les familles du square Boucicaut. Le collectif des oubliés du Dalo, le DAL et les salariés du Samu social, rejoints par des associations de sans-logis et mal-logés et de défense des droits, des syndicats de locataires, des syndicats, avec le soutien d’organisations politiques, ont alors créé le collectif Urgence un Toit associant les revendications des sans-logis et mal-logés à celle des salarié-e-s en lutte.

Tous les samedis du mois d’août, ce collectif a manifesté depuis le pont de Solférino jusqu’au square Boucicaut, passant devant les fenêtres du ministère du Logement. Le 3 septembre, des manifestations, à l’appel du collectif Urgence un Toit, ont eu lieu partout en France, regroupant plus de 1 500 personnes à Paris. Il y eu une nouvelle mobilisation, la nuit blanche des sans-logis et mal-logés, du 7 au 8 octobre. Après une marche qui partait de la place de la République, au moins 150 personnes ont passé la nuit place des Innocents à Châtelet.

Propos recueillis par Violaine (AL 93)

 
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