Logement : Tous avec toit




Sur fond de crise sociale, de baisse des revenus, de précarité, de chômage massif et de licenciements par milliers, aujourd’hui, plus d’une personne sur dix est victime de la crise du logement.

On estime à huit millions les victimes de la crise du logement : 33 000 sont sans-abri, 3,5 millions vivent dans des taudis, les autres risquent du jour au lendemain d’être jeté-e-s à la rue [1]. Plus de 1,7 millions de personnes attendent un logement social qui ne vient pas [2].

Le logement est devenu le premier poste de dépense des ménages (22% des revenus en moyenne, 50% pour certains), le prix des logements anciens a été multiplié par 2,5 entre 1996 et 2011 et les loyers ont augmenté plus vite que les revenus. La flambée des prix impacte maintenant les « classes moyennes », locataires ou propriétaires surendettés.

La qualité de l’habitat se dégrade et un tiers des résidents en France vivent dans un habitat comportant un défaut majeur : toit percé, plomberie ou électricité défectueuse, humidité, etc. On voit se multiplier les camps de sans-abris dans les grandes villes et réapparaître par centaines des bidonvilles.

Une crise organisée de longue date

La spéculation immobilière a été enclenchée dès 1975 avec le désengagement de l’Etat qui a cessé de planifier la construction des logements sur la base des besoins, abandonnant ainsi sa mission d’intérêt général pour s’en remettre aux conjonctures.

La déréglementation tous azimuts (levée de l’agrément bureaux en 1985, libération des loyers et congés pour vente en 1986, levée de l’encadrement du crédit en 1987) a provoqué une ruée des investisseurs sur de fortes plus-values. En lieu et place de logements, on construit des bureaux, avec la bénédiction des collectivités locales qui attendent les retombées de la taxe professionnelle. Dès 1985, la collecte du Livret A, qui finance le logement social, baisse inexorablement, au profit de Sicav et autres produits financiers. Dans l’habitat ancien, la fin de la loi 48 sonne le glas du parc social de fait et la spéculation va se nourrir de l’exclusion des plus pauvres. On démolit donc les vieux bâtiments pour y construire des immeubles de standing ou... des bureaux.

La construction des logements sociaux est en berne. On en construisait 558 000 en 1972, 257 000 en 1993 et 315 000 en 2012. La pénurie est accentuée par la destruction de complexes HLM et la vente de logements HLM, au nom de la mixité sociale. Mais le compte n’y est pas : on reconstruit moins que l’on détruit et il faut vendre trois logements pour en reconstruire un seul.

Des logements vacants

Qui dit spéculation dit vacance. En effet, un immeuble vide se vend plus cher – et plus vite – qu’un immeuble occupé. La vacance du parc total de logement a été multipliée par quatre entre 1954 et 1990. En 1994, 72% des logements vacants appartenaient aux collectivités publiques, institutionnels, sociétés immobilières ou gros propriétaires privés [3]. Les choses n’ont guère changé depuis.

Quant aux logements sociaux, la conjoncture faisant la loi, la Cour des comptes a souligné, en 2009, que 75% des logements sociaux étaient construits là où n’existait pas de besoin manifeste, seuls 25% l’étaient dans des zones tendues. Mais une grande partie des plus bas salaires n’ont pas accès au logement social, les plafonds de revenus et les loyers ayant été relevés afin de favoriser la mixité sociale, les bailleurs préfèrent une clientèle solvable.

La misère de l’urgence

Ce sont donc des milliers de personnes, dont des enfants, qui n’ont d’autre issue que de s’adresser au Samu social, sans grand espoir. L’enquête menée par Médecins du Monde cet hiver fait apparaitre que 65% des demandes qu’ils ont transmises au 115 n’ont pas donné lieu à une réponse favorable. Le manque de structures d’accueil, bricolées (centres d’hébergement d’urgence, hôtels vétustes, vieux bâtiments d’Etat désaffectés ouverts en urgence pendant l’hiver, etc.) est criant. Les demandes explosent. La précarité de l’hébergement et le ballotage de familles d’un hôtel à un autre, sans se soucier du lieu de scolarisation des enfants ou de travail des parents, a pour objectif de décourager les sans-abris qui finissent par ne plus faire appel au 115. Le droit universel à un hébergement est bafoué et les étrangers et les étrangères, avec ou sans papiers ou demandeurs et demandeuses d’asile, subissent la discrimination. Les bidonvilles, éradiqués au cours des années 70, réapparaissent. Autrefois Italiens ou Polonais, puis Portugais ou Maghrébins, leurs habitants et habitantes sont aujourd’hui plus souvent Roms, Bulgares ou Roumains. Mais le problème est encore et toujours le même. « J’en ai assez de l’ethnicisation de cette question », s’insurge Jean-Baptiste Eyraud de Droit au logement « un bidonville est un bidonville. La politique violente de Valls ne sert à rien. Il faut les reloger ! »

Une priorité nationale ?

Hollande a promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux, et l’éradication de 600 000 logements indignes. Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, qui estime à « 10 millions le nombre de personnes en situation de fragilité de logement à court ou moyen terme » est à l’origine d’une première loi, qui ne rompt pas avec les incitations fiscales de ses prédécesseurs, et prévoit un certain nombre de mesures, dont la mobilisation du foncier public qui devrait permettre la construction de 100 000 logements d’ici 2016, dont la moitié en Île-de-France. Mais les terrains et bâtiments désaffectés de l’Etat (hôpitaux, casernes, etc.), que leurs propriétaires rechignent du reste à mettre à disposition, ne suffiront pas à absorber la carence de millions de logements.

Suit une série de mesures dont on peut se demander si elles auront une incidence sur 40 ans d’une spéculation foncière effrénée : raccourcissement des procédures, assouplissement des financements, facilitation de la transformation de bureaux en logements, réduction des normes techniques de construction, densification de l’habitat, augmentation de 20 à 25% du taux de logement social par commune de plus de 3 500 habitants, d’ici... 2025 et multiplication par cinq des pénalités en cas de non respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

Le ministère du logement prépare une deuxième loi à grand renfort de commissions de travail et semble vouloir procéder dans le parc social à une « remise en ordre des loyers » (entendez une augmentation lors de la relocation) et inventer une méthode « scientifique » d’attribution des logements pour favoriser la mixité sociale (entendez exclure plus de pauvres). Le danger qui plane est de voir disparaître le droit au logement opposable (Dalo) qui, s’il n’est pas suffisamment appliqué, constitue un acquis juridique. Malgré les promesses de réquisition, la frilosité du gouvernement se cache derrière des considérations juridiques et rien ne bouge.

Un combat qui dure

C’est clair, les taudis et les bidonvilles ont encore de beaux jours devant eux. La mobilisation de celles et ceux qui ont (encore) un toit contre les loyers trop chers, se heurte à la peur de le perdre et ne se développe pas.
Le 2 avril, les expulsions locatives vont reprendre jetant des milliers de gens à la rue. La seule mesure qui peut répondre à l’urgence est la réquisition des logements vides et la transformation des milliers de km2 de bureaux inoccupés en habitation. C’est indispensable et c’est juste. C’est ce que font, malgré une féroce répression, des associations emblématiques (comme le Dal !) ou de plus jeunes (à Toulouse, Montpellier, etc.) pour répondre à l’urgence et construire un rapport de force face aux spéculateurs et aux pouvoirs publics.
Le logement doit sortir du système marchand pour être un bien public, social, un droit inaliénable pour toutes et tous. C’est le sens que nous mettons dans cette lutte depuis plus de vingt ans.

Chloé (AL Seine-Saint-Denis)


Conséquences de la crise

Les personnes ayant des difficultés financières liées à l’habitation rognent en premier sur l’alimentation, ensuite le transport, les loisirs, l’ameublement et la santé.

Elles rencontrent moins souvent les membres de leur famille proche, se rendent moins souvent à des réunions festives (anniversaires, etc.) et sont peu investies dans le tissu associatif. Les jeunes vivent plus longtemps chez leurs parents. En 1982, 71% des 25-29 ans vivaient en couple contre 48% en 2011.

Source : CREDOC, 12/2011


Meeting le 21 mai à Paris

Meeting au Bataclan à Paris, le 21 mai à 19h organisé par la Plateforme logement des mouvements sociaux contre le logement cher. Pour la baisse des loyers, l’arrêt des expulsions sans relogement, la construction de logements sociaux, la réquisition des logements vides...

[1Fondation Abbé Pierre Février, 2013

[2INSEE

[3Voir Crise du logement. Mécanique d’exclusion et attribution d’office. Rapport de synthèse du DAL, septembre 1994

 
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