Mexique : L’État gangrené par le narcotrafic




L’explosion de violence due aux luttes entre cartels de la drogue pèse sur la population, qui ne peut rien attendre d’un État lui-même corrompu et violent.

L’année 2008 se termine au Mexique sur un triste constat : l’escalade de la violence liée au narcotrafic continue. Plus de 5 000 morts, et de nouvelles méthodes sanglantes (décapitations, attentats dans les lieux publics) ont endeuillé le pays, tandis que les institutions publiques, largement infiltrées par les narcos, semblent incapables de résoudre le problème.

C’est à partir du milieu des années 1990 que les cartels mexicains ont pris de l’importance. Ils ont bénéficié du démantèlement de plusieurs cartels colombiens et de la fermeture de la route des Caraïbes. Sous le gouvernement de Salinas, élu en 1994, qui impulsa le virage ultralibéral du Partido Revolucionario Institucional (PRI) au pouvoir depuis les années 1930, la corruption s’est développée. Mais la violence s’est particulièrement accrue après les années 2000 avec l’arrivée au pouvoir de Fox, du Partido Acción Nacional (PAN, conservateur démocrate chrétien). Il déclara la « guerre » aux narcos, ce qui déchaîna des luttes de succession sanglantes entre et au sein des cartels pour remplacer les chefs de réseaux arrêtés.

Une économie dépendante

Ni Fox, ni son successeur Calderón, élu en 2006, n’ont encore réussi à endiguer la progression des narcos, qui disposent aujourd’hui de réseaux en Amérique Centrale, en Colombie, et jusque en Afrique de l’ouest, point de transit vers l’Europe.

La stratégie gouvernementale s’est révélée inefficace, voir contre-productive : le recours de plus en plus fréquent à l’armée, qui s’embarrasse peu des droits de l’Homme et se fait de plus en plus infiltrer, est impopulaire. Les épandages d’herbicide sur les plantations de pavot et de cannabis, qui touchent aussi des cultures légales, laissent de nombreux paysans démunis. Seuls les narcos leur proposent alors des opportunités. La réforme de la police récemment engagée ne concerne que la police fédérale, alors que les autres niveaux sont tout aussi corrompus. Et même si certains politiciens véreux de haut vol ont été arrêtés, d’autres prendront leur place, ou subiront de nouveau les méthodes de pression des cartels, comme les menaces ou les enlèvements.

On ne peut de toute façon rien attendre du gouvernement mexicain. La contrebande avec les États-Unis, depuis l’alcool pendant la prohibition de l’entre-deux guerres, jusqu’aux drogues synthétiques d’aujourd’hui, sont consubstantiels du système économico-politique du pays. On n’en viendra donc pas à bout sans une transformation radicale du système. Et les bases d’une telle transformation anticapitaliste, on a pu en voir les prémices dans les communautés zapatistes ou la commune d’Oaxaca de 2006-2007.

Jocelyn (AL Paris-Sud)

 
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