Monoprix : 22 jours sans livraison




Les luttes dans la grande distribution sont généralement âpres et difficiles à mener. Mais la détermination des salarié-e-s des Monoprix Canebière et Prado de Marseille leur ont permis, face à un patronat prêt à tout pour briser les grévistes, d’arracher aux forceps quelques avancées sociales importantes.

Dans la grande distribution, qui base ses énormes profits sur la forte précarité des contrats de ses salarié-e-s, se battre pour des hausses de salaires, des requalifications de contrats en 35 heures ainsi que le paiement des heures supplémentaires et des temps de pause n’est pas gagné d’avance.
Refusant de voir leurs conditions de travail sacrifiées sur l’autel des profits, les salarié-e-s du Monoprix Prado de Marseille sont entrés en grève à la mi-septembre, tenant en permanence des piquets devant les magasins et bloquant tout réapprovisionnement des stocks.

900 euros après trente ans d’ancienneté

Dénonçant à la fois des salaires indécemment bas – 900 euros pour un salarié ayant 30 ans d’ancienneté – les sous-effectifs constants ainsi que les pressions, discriminations et menaces de leur direction, leur lutte a pris de l’ampleur, et a été rapidement rejointe par les Monoprix Canebière et rue de Rome, en centre ville de Marseille. Le patronat, craignant un embrasement généralisé des magasins de la région, a commencé à mettre en place tout un arsenal répressif pour casser la mobilisation.

La direction, dépassée et refusant toute négociation, a tenté de multiples pressions ainsi que plusieurs passages en force de camions au petit matin, mais s’est heurtée continuellement à la détermination des travailleuses et des travailleurs en lutte. Une gréviste a même été gravement agressée par le directeur
adjoint et a du être hospitalisée. Résultat : 15 jours d’ITT et une motivation redoublée chez les grévistes.

Après 20 jours de grève, la direction a choisi de passer un palier supplémentaire dans la répression en faisant appel à son plus grand soutien – l’Etat – qui a condamné deux grévistes à 300 euros d’astreinte par jour s’ils continuaient d’empêcher les livraisons. La décision du TGI a été rapidement suivie de faits, et dès le lendemain les CRS étaient présents pour débloquer le dépôt de livraisons. Malgré tout, la direction a été contrainte de céder à l’aube du 23e jour de grève et ce, face au possible développement de la lutte au niveau national.

Un possible embrasement national

En effet plusieurs Monoprix d’Aix-en-Provence, de Lyon et même de Paris parlaient récemment de rejoindre le mouvement et le débrayage du magasin d’Alès a forcé la direction à accepter un accord de fin de conflit. Même si aucune augmentation de salaire n’a été concédée, la victoire est réelle : plusieurs contrats CDD requalifiés en CDI, des temps partiels transformés en temps pleins, l’acquisition de tickets restaurants, ainsi que la mutation du directeur adjoint responsable de l’agression de la camarade gréviste, sont autant d’exemples de ce qu’ils sont parvenus à arracher.

Forte solidarité locale avec les grévistes

Cette victoire est d’abord celle de la solidarité face à la précarité du travail imposée par le patronat de la grande distribution. Car ce mouvement n’aurait pu être victorieux sans une très forte solidarité de la population locale et de divers militants extérieurs organisés ou non tel que ceux de « l’Assemblée contre la précarisation » [1] se relayant quotidiennement pour aider les grévistes à maintenir leur blocus entre 1 et 6 heures du matin. Peu croyaient à la victoire de cette lutte, parfois menée par un groupe très restreint d’employé-e-s [2], mais qui sont finalement parvenu-e-s à faire plier un groupe fort de plusieurs centaines de millions d’euros de bénéfice. Durant 22 jours, sans relâche, les salarié-e-s ont instauré le rapport de forces, et les négociations consenties à terme par la direction ont abouti à cette petite victoire si importante dans un secteur où les luttes sociales demeurent encore trop rares.

Lulu et Ben (AL Aix-Marseille)

[1Voir : contrelapreca.eklablog.com

[2Le taux de grévistes du Monoprix canebière avoisinait seulement les15 %.

 
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