Nucléaire : faire barrage au Castor




Plusieurs milliers de trains hautement radioactifs traversent la France chaque année. En novembre dernier, une mobilisation de grande ampleur près de Valognes a tenté d’en entraver un en route pour l’Allemagne.

Le transport des matières fissiles brutes ou retraitées constitue le maillon faible du système de production électronucléaire. En France, on compte environ 15 millions de colis de marchandise dangereuse par an. Le transport de substance radioactive en représente 6 %, soit 900 000 colis. Ce sont les trains Castor, acronyme de Cask for storage and transport of radioactive, littéralement : tonneau pour stockage et transport de matière radioactive. Sur ce volume, 15 % sont produits par l’industrie nucléaire, contre 85 % par les activités du « nucléaire de proximité » : industries non-nucléaires, activités médicales, recherche. Le nombre total de transports nécessaires au cycle du combustible pour l’activité des centrales nucléaires est estimé à environ 11 000 par an : environ 300 pour le combustible neuf à base d’uranium, une trentaine pour le combustible type « Mox », 200 dont une dizaine en provenance de l’étranger pour le combustible usé provenant des centrales électronucléaires et destiné aux usines de retraitement de La Hague ou encore des transports d’hexafluorure d’uranium ou d’oxyde de plutonium. Un millier de transports – environ 50 000 colis – en provenance ou à destination de l’étranger ont lieu chaque année. C’est donc quasiment tous les jours que des colis radioactifs débarquent en gare de Valognes pour être ensuite transportés à la Hague par la route.

[*Succès du camp antinucléaire*]

Un camp antinucléaire s’est tenu près de Valognes du 22 au 24 novembre pour entraver un train Castor devant se rendre en Allemagne. Les diverses actions de blocage, de la gare d’origine et tout au long du parcours, furent un succès. Les principales actions ont consisté a déballaster les voies, c’est-à-dire enlever les graviers qui amortissent les ondes de choc des trains, et à rendre inopérant les systèmes électriques des chemins de fer. Cinq cents activistes s’étaient rassemblés autour du camp d’Yvetot-Bocage alors qu’en face 3 000 gendarmes mobiles et CRS étaient réquisitionnés. Les gares et les écoles furent fermées par ordre du préfet et les trains furent remplacés par des services de car. Très rapidement après le début des actions de blocage, les voies se muèrent en un véritable champ de bataille et le brouillard normand se confondait avec les gaz lacrymogènes. Les manifestantes et les manifestants furent bien accueillis et soutenus par la population locale tordant le coup aux rumeurs colportées par les médias bourgeois selon lesquelles les autochtones soutiendraient cette industrie inique. Le bilan de la journée s’est soldé par l’arrestation d’une douzaine de personne et trois blessés dont un policier. Les opérations de blocages ont réussi à retarder le train et la mobilisation en Allemagne a été très forte, se soldant par 321 blessé-e-s.

[*Areva refuse toute étude indépendante*]

Si les préfectures et la Sécurité civile suivent en temps réel ces transports et disposent du plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile), la population est laissée dans la plus complète ignorance. Ces transports traversent pourtant des zones urbaines denses dont les lignes RER de la région parisienne. Le plus souvent, les préfectures, le chargeur Areva et le transporteur SNCF font la sourde oreille aux demandes d’informations des associations et des élus. Pourtant les doses émises sont loin d’être négligeable. La réglementation internationale indique que la limite d’exposition au public est de 1 milliSievert (mSv) par an. Une dose de 0,01 mSv par an est considérée comme le seuil au-delà duquel des mesures d’information et de radioprotection doivent être prises. Pour ces transports, la réglementation autorise des doses maximales de 2 mSv/h au contact (20 000 fois supérieur à la radioactivité naturelle) et de 0,1 mSv/h à deux mètres. Il est difficile d’avoir des mesures objectives de la radioactivité de ces transports. En règle générale, EDF et Areva refusent que des mesures soient effectuées par des organismes indépendants ; mais l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) étant seul maître à bord, des mesures ont toutefois pu être réalisées à deux reprises à la demande de syndicats du rail, essentiellement Sud-Rail et FO. En juillet 1998, dans le Rhône, lors d’un transport de combustible irradié, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Crii-Rad) a relevé que le rayonnement émis était sensible à plusieurs dizaines de mètres de distance : 3 fois le niveau naturel à 50 mètres et 40 fois à 10 mètres. Elle en conclut que les agents SNCF sont exposés à des doses supérieures à 0,01 mSv/an, voire à la limite annuelle. En juin dernier, lors d’un convoi qui venait des Pays-Bas, Sud-Rail a informé que la radioactivité mesurée était 80 fois supérieure au niveau naturel. Il n’est pas rare que ces convois soient à l’arrêt pendant plusieurs heures dans des zones urbaines. Les policiers chargés d’escorter ces convois sont munis de dosimètres mais la direction de la SNCF refuse d’en doter ses agents.

[*Des mesures de sécurité insuffisantes*]

Quant aux accidents, Sud-Rail dresse un constat suffisamment éloquent dans son communiqué de presse du 20 novembre 2011 : « Les colis de déchets radioactifs vont être transportés dans des emballages blindés (les castors HAW 28 M) mais les exigences de sûreté de ce transport imposées par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) sont notoirement insuffisantes pour résister aux hypothèses d’accidents et d’attaques les plus graves. Ainsi un déraillement du convoi radioactif dans un tunnel à deux voies, suivi d’une collision par un train chargé de matières inflammables qui prendrait feu, pourrait conduire à la dispersion des déchets radioactifs. Un feu d’hydrocarbures atteint près de 1 200°C en une vingtaine de minutes ; dans un tunnel, il peut monter jusqu’à 1 600°C et durer des heures. Or l’emballage des déchets vitrifiés est conçu pour résister à un feu de 800°C pendant 30 minutes. De même les emballages ne résisteraient pas à certaines attaques terroristes ou à un crash d’avion de ligne Enfin, ce convoi doit s’arrêter plusieurs fois sur des triages dont l’état des voies de service est l’occasion de nombreux déraillements ». Enfin, conformément à la réglementation, ces transports Castor sont assurés pour seulement 22,9 millions d’euros, une évaluation bien inférieure au coût réel qu’entrainerait un accident ou un attentat. Les populations et les travailleurs sont exposés à des risques sans qu’ils ou elles en soient informés et pour un coût disproportionné supporté par la collectivité. L’arrêt du système nucléaire apparaît indispensable avant tout accident notable d’autant que cela ne sert l’intérêt que des capitalistes du secteur.

Mikaël (commission écologie d’AL)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut