Parentalité : Pas d’enfant, c’est la mère à boire ?




« Un enfant, si je veux, quand je veux ». Ce slogan féministe scandé dans les grandes manifestations pour le droit à l’avortement, sonne aujourd’hui comme un vœu à moitié exaucé. Si on peut dire que c’est à peu près bon pour le « quand je veux », le « si je veux » reste encore à gagner. Quand est-ce que les femmes dépasseront-elles le niveau des mères ?

« Tu verras quand tu auras des enfants  !  » Que celle qui n’a jamais entendu cette phrase (ou sa variante « Et toi, quand est-ce que t’y mets ?  ») jette le premier stérilet. Même si aucune loi n’oblige les femmes à avoir des enfants, la pression sociale est telle que c’est souvent tout comme. Alors que l’on ne demande que très rarement aux femmes pourquoi elles veulent des enfants, quand on n’en souhaite pas (ou même quand on n’est pas vraiment sûre) il vaut mieux avoir une argumentation solide à présenter  [1].

Le maintien des femmes dans le rôle dévalorisé de la prise en charge des enfants, passe dans beaucoup de sociétés par l’absence de diffusion ou l’interdiction des méthodes contraceptives leur permettant de contrôler leur fécondité. Si en France il y a, au moins sur le papier, un accès garanti à ces méthodes, il faut voir dans les pressions qui s’exercent sur les femmes qui ne veulent pas d’enfant, l’expression d’un antiféminisme assez primaire puisqu’il s’agit de ne pas penser les femmes autrement que dans leur rôle procréateur notamment lorsque l’on dit que sans être mère on ne pourrait être une «  vraie femme  ».

Et l’instinct maternel dans tout ça ?

Ainsi pour les femmes, êtres naturels par excellence, l’épanouissement ultime passe par l’accomplissement du rôle maternel. C’est l’idée bien ancrée selon laquelle toute femme normalement constituée ressent un désir d’enfant. Certaines disciplines de sciences humaines (sociobiologie et psychologie évolutionniste en tête) s’évertuent à démontrer l’existence de l’instinct maternel chez les femmes grâce à des méthodologies douteuses, comme en extrapolant des résultats d’études menées sur des animaux, aux humains. C’est le cas des études sur le rôle de l’ocytocine, hormone secrétée notamment pendant l’accouchement, qui favoriserait le développement de l’attachement entre «  mère  » et «  enfant  »... chez les campagnols. La vulgarisation simplificatrice de ces théories dans les médias donne du grain à moudre à l’opinion bien répandue selon laquelle les femmes seraient naturellement plus aptes à élever, éduquer, aimer, les enfants  [2]. Voilà comment la «  science  » cautionne la répartition très inégalitaire des rôles parentaux  : ce n’est pas que les hommes ne veulent pas s’occuper des enfants autant que les femmes, mais enfin, ils ne sont pas programmés pour au contraire des femmes.

Peut-on être féministe et vouloir des enfants ?

Les théoriciennes du patriarcat ont mis en avant le rôle clé de la maternité comme destin obligatoire pour les femmes dans la production et la perpétuation des inégalités entre femmes et hommes. Et c’est vrai que dans l’état actuel des choses, l’arrivée d’un enfant dans un couple hétérosexuel a plutôt tendance à creuser les inégalités, sur le plan professionnel ou de la répartition du travail domestique. La solution passerait-elle alors par une grève des ventres, illimitée et générale  ? Nous pensons qu’il n’est pas moins autoritaire d’interdire aux femmes d’avoir des enfants que de les y obliger. On l’aura deviné mais la question est plutôt dans un premier temps d’équilibrer les devoirs entre parents pour plus d’égalité. Et à plus long terme, ne pourrait-on pas imaginer que la parentalité puisse se réaliser dans des cadres plus larges que celui du seul foyer familial  ?

Auréline (Toulouse)

[1Pour une analyse sociologique de la pression qui s’exerce sur les personnes (femmes et hommes) qui ne souhaitent pas d’enfants, on peut lire le livre de Charlotte Debest, Le choix d’une vie sans enfant, PUR, 2014 ; ou écouter l’édition de l’émission Mutants de France Inter du 8 juillet 2012, avec Agathe Andrée, Nathalie Six et Charlotte Debest.

[2À ce sujet on peut lire l’article très clair , « Instinct maternel, science et post-féminisme » par Odile Fillod sur le blog Allodoxia.

 
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