Parisot prend la tête du mouvement des exploiteurs de France




Le 5 juillet 2005, le Medef doit élire un ou une successeur(e) au baron Ernest Antoine Seilliere de La Borde, héritier de la famille de Wendel.

On ne sera pas débarrassé pour autant du Baron. Il devrait à la même date prendre la direction de l’Unice, l’organisation patronale européenne. Très centré sur sa petite personne, le Baron n’a pas trop bien préparé sa succession. Et, pour la première fois, l’élection du patron des patrons a pris la tournure d’une véritable campagne électorale. Les candidats en lice ont largement utilisé les tribunes dans les médias pour s’imposer dans le débat interne. Tous les candidats font œuvre de surenchère pour que l’on affranchisse des règles du code du travail les plus protectrices pour les salariés.

Les candidats

Au moment où ses lignes sont écrites, le résultat n’est pas connu, même si les pronostics vont bon train et mettent en tête Laurence Parisot, pédégère de l’institut de sondage IFOP. Elle a, comme tous les autres candidats, opté pour une stratégie de communication et a engagé Anne Méaux, l’influente patronne de la société Image 7, ancienne militante d’extrême droite du Parti des forces nouvelles, recyclée par le giscardisme, puis proche de Madelin. Elle conseille des dictateurs, comme Ben Ali en Tunisie, et les 3/4 du CAC 40 en France.

Laurence Parisot est soutenue par le secteur des services du Medef et en particulier les secteurs des banques et des assurances. Pébéreau de BNP Parisbas et le parrain du patronat Français, Bébéar sont parmi ses meilleurs soutiens. Laurence Parisot déclarait début janvier 2005, à l’assemblée générale du Medef : « la liberté de penser, s’arrête là où commence le code du travail ». Tout un programme. Elle représente les fédérations patronales qui poussent le plus à la déréglementation et qui rêvent du modèle « social » anglais.

Yvon Jacob est le candidat officiel de l’UIMM (métallurgie), la CIA historique du patronat Français. Ancien député RPR, il a été un très proche de Madelin. Le duo Francis Mer / Guillaume Sarkozy a du plomb dans l’aile. Francis Mer, l’ancien ministre a en effet jeté l’éponge. La bataille fait rage entre les candidats les mieux placés : Parisot et Jacob. Cette bataille prend la tournure d’un affrontement entre les secteurs des services et de l’industrie, sans que l’on sache si les autres candidats de l’industrie, Sarkozy en particulier, vont être en mesure de présenter une candidature unique face à Parisot.

Il n’y a pourtant chez les candidats en compétition aucune volonté de rupture avec l’ère Seilliere. La seule rupture en jeu, c’est le discours de plus en plus agressivement libéral, la volonté « rupturiste » avec les garanties collectives.

« Révolution libérale »

De ce point de vue, les orientations portées par les secteurs des services sont les plus radicales. Il s’agit d’aller encore plus loin dans la mise en cause des protections collectives et de mettre en pratique le niveau de négociation au niveau de l’établissement, voire du contrat individuel.

Une victoire d’une candidate issue des services aurait aussi pour effet de priver pour la première fois l’UIMM de la maîtrise politique de la direction du patronat et assurerait la domination des secteurs financiers (banques et assurances). L’UIMM a dû avaler la refondation sociale qui avait vu Kessler, alors aux manettes, dissoudre la commission sociale du patronat. Mais l’UIMM avait su vendre son « savoir-faire » auprès des fédérations et garder en quelque sorte, une grande influence technique.

Une direction du Medef assurée par Parisot avec l’ombre, Anne Méaux et les puissants barons des secteurs financiers, priverait l’UIMM de son pouvoir historique.

Les deals syndicaux noués entre l’UIMM et FO métallurgie et la CGC (Confédération générale des cadres) deviendraient sans intérêts. Cela aurait un impact certain au sein des confédérations FO et CGC. La norme sociale au niveau de l’entreprise contribuerait à la destruction de la norme au niveau des branches et des conventions collectives. Sans nul doute, devrons nous supporter une intense campagne de communication sur le thème de la modernité incarnée par Madame Parisot, sa jeunesse, son intérêt pour les sujets sociétaux (elle est notamment engagée dans la lutte contre l’homophobie) pendant que dans le même temps le patronat redoublerait d’arrogance et de revendications maximalistes sur le terrain social. Et pourquoi pas ainsi un débat biaisé entre enjeux sociétaux et enjeux sociaux ?

Le patronat est de toute façon programmé pour une fuite en avant dans « la réforme » libérale. Nicolas Sarkozy est dores et déjà investi par les principaux patrons. Il est leur champion. Ce qui explique les réticences fortes d’une grande partie du patronat à l’égard de son frère Guillaume Sarkozy. Deux Sarkozy c’est sans doute trop à digérer pour la société française.

Il ne faut pas perdre de vue que la rentrée va être marquée par la négociation de la convention Unedic qui arrive à échéance à la fin de l’année. Les patrons ne se dissimulent pas, ils veulent à cette occasion imposer de nouveau la dégressivité et le développement du travail obligatoire.

Les patrons s’auto convainquent que le résultat du 29 mai est une demande de réformes, « réformes encore plus libérales », et ils sont persuadés qu’ils vont arriver à leur fin. Après avoir engranger « le contrat nouvelle embauche » dans les très petites entreprises (moins de 10 salariés), ils vont militer pour son élargissement aux petites et moyennes entreprises (moins de 100 salariés). Ils vont poursuivre en direction du gouvernement pour obtenir encore, plus. Dans ce contexte, l’affrontement de classe reste la priorité, priorité évidemment de tout temps, mais en cette période particulière un enjeu qu’il faut renforcer. D’autant que les confédérations syndicales toujours à l’affût de négociations risquent d’avoir peu de perspectives et que le combat pour trouver des marges de négociations n’éblouira pas les millions de salariés et précaires qui en ont ras le bol de cette société.

Thierry Renard

 
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