Argumentaire n°3 (2004)

Pour toutes et tous, Droit à la santé !




Le gouvernement et le principal syndicat patronal, le Medef, veulent à tout prix « réformer » (lisez : « casser ») la Sécurité sociale en commençant à privatiser l’assurance-maladie. Pourquoi faut-il se battre contre la privatisation ?


TROIS RAISONS DE SE BATTRE CONTRE LA PRIVATISATION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

  1. Parce qu’elle favorise les plus riches et amoindrit le droit à la santé pour tou(te)s. Moins de « Sécu » pour tou(te)s, plus d’assurances privées pour ceux et celles qui en ont les moyens. C’est le fil conducteur de la logique gouvernementale. Cela signifie que le droit universel à la santé n’existe plus. Seuls les plus riches pourront se permettre une assurance-maladie complète.
  2. Parce que le « trou de la Sécu » est un mensonge. On nous parle d’un déficit de 13 milliards d’euros de la Sécurité sociale... mais un simple examen des comptes 2003 de la Sécu montre que le cumul des retards de cotisations patronales et des retards de paiements dus par l’Etat représente 20,1 milliards d’euros ! Le « trou » est donc un mensonge et un alibi.
  3. Parce que notre santé n’est pas une marchandise. Les assurances privées attendent impatiemment la « réforme », car elle leur permettra d’accaparer une portion du « marché de la santé ». Elle leur permettra également de cogérer la « Sécu » et donc d’être juge et partie dans la répartition du « gâteau » entre elles-mêmes, la Sécu et les mutuelles.

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LE « TROU », QUEL TROU ?

Il devrait atteindre cette année 13 milliards d’euros. Il est le résultat :
 des dettes des entreprises à la sécurité sociale (1,9 milliard en 2003, dont les 3/4 ne seront pas recouvrées)
 des exonérations de cotisations en faveur des entreprises, selon le dogme maint fois infirmé qui veut que moins de cotisations sociales= plus d’emplois. Les exonérations de charge seront globalement en 2004 de 17 milliards d’euros
 du chômage de masse résultant des licenciements massifs effectués par les entreprises y compris quand elles sont très bénéficiaires, plus de chômeurs et de chômeuses, c’est moins de salaires versés et donc moins de cotisations
 de la baisse des salaires réels qui se traduit mécaniquement par une baisse des cotisations. Cette baisse est la conséquence des politiques suivies depuis 30 ans, permettant aux capitalistes d’accaparer une part toujours plus importante des richesses créées au détriment de la part des salaires. En une dizaine d’année, la part des salaires dans le PIB a baissé de 10% ce qui correspond à 150 milliards d’euros sur 10 ans. Une augmentation de 1% de tous les salaires apporterait 3 milliards à la sécu.
 des profits gigantesques effectués par l’industrie pharmaceutique et par tous les « privés » du secteur de la santé. A titre d’exemple, Sanofi-Synthélabo a, en 2003, dégagé 6,62 milliards d’euros de marge brute (+9,1% par rapport à 2002), dont une bonne partie part dans les poches des actionnaires... à présent vous savez où passent vos cotisations !


LA FRAUDE LÉGALE, UN SYSTÈME DEVENU FOU

L’Etat organise sciemment le déficit de la Sécurité sociale à chaque fois qu’il exonère le patronat de cotisations sociales... ou que lui-même ne verse pas ce qu’il doit (à cause par exemple d’allégements fiscaux pour les plus riches...). En 2003 par exemple [1] :
 7,8 milliards non reversés à la Sécu sur les taxes sur le tabac ;
 +3,5 milliards non reversés à la Sécu sur les taxes de l’alcool ;
 +1,6 milliard non reversés à la Sécu des assurances auto pour les accidentés de la route ;
 +1,2 milliard non reversé à la Sécu de la taxe sur les industries polluantes ;
 +2 milliards de TVA non reversés à la Sécu ;
 +2,1 milliards de retard de paiement à la Sécu pour les contrats aidés ;
 +1,9 milliard de retard de paiement par les entreprises ;
 etc.

Au total : 20,1 milliards d’euros de manque à gagner pour la Sécu.

Le fameux trou de la Sécu de 13 milliards d’euros existe-t-il vraiment ?

Par la force des choses, les salarié-e-s paient tous leurs cotisations sociales. Que l’État et le patronat régularisent leurs comptes !!


LES FEMMES TOUJOURS LES PLUS TOUCHÉES

Sur-représentées dans le temps partiel ou la précarité, situation aggravée quand elles sont à la tête d’une famille monoparentale, les femmes sont les plus susceptibles de bénéficier de la CMU. Elles sont particulièrement pénalisée par l’abandon par le régime général de parties importantes des remboursements au profit des assurances privées. Le manque de personnel soignant et la rareté des dispensaires ou centres médicaux publics, les obligent à fréquenter les cabinets privés, où les médecins spécialisés n’hésitent pas à pratiquer des tarifs bien au-dessus des tarifs conventionnés.

Les services les plus menacés ou fermés dans les hôpitaux sont les maternités avec les services gynécologiques qui les accompagnent. Sans parler de l’état des centres d’IVG ! Quant au personnel hospitalier, 80% sont des femmes, et la dégradation de ces professions est entraînée par les CDD, l’intérim et la sous-traitance, les privatisations prévues dans le plan Hôpital 2007.


DÉCRYPTER LA RÉFORME LIBÉRALE DE LA SÉCU

  1. Toujours faire payer Les salariés, jamais le patronat ! Les cotisations sociales et patronales n’augmenteraient pas de la même façon. Le ministre de la Santé Douste-Blazy a déclaré : « En ce qui concerne le financement, le gouvernement veillera tout particulièrement à ce que, si de nouveaux prélèvements étaient nécessaires, ils ne pénalisent ni la croissance ni l’emploi ». En langage libéral, cela signifie : l’augmentation des cotisations sociales des salariés d’accord, l’augmentation des cotisations patronales, jamais !!
  2. Le coup du « troisième étage ». Le projet libéral est le suivant : en plus des deux niveaux de remboursement actuels, c’est à dire, d’une part le régime de Sécurité sociale obligatoire, d’autre part les « mutuelles complémentaires », la réforme Raffarin/Douste introduirait un troisième niveau pour donner une part du gâteau aux assurances privées. Il serait ainsi donné satisfaction aux revendications du Medef en permettant de :
    • diminuer la part des cotisations sociales et patronales au profit des assurances individuelles privées, dans une logique comparable à la réforme des retraites avec la capitalisation ;
    • combiner cette contre-réforme avec celle de l’hôpital public, dont le financement est à 100% pris en charge par la Sécu. Ainsi le projet « Hôpital 2007 » se résume à confier au privé les soins les plus rentables et au public les plus coûteux ! Et on va après cela crier au déficit public !
    • abattre la conquête qu’a été la Sécurité sociale, créée à la Libération. Avec elle, depuis 1945, un secteur essentiel de la vie collective échappe à la loi du profit. Le patronat veut l’anéantir car elle est porteuse, dans une société dominée par le capitalisme, de valeurs alternatives : "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins".
  3. La nouvelle « gouvernance » : c’est la privatisation. Parmi les mesures étudiées ou prévues, on apprend que les intérêts privés auraient de plus en plus accès à la gestion de la Sécurité sociale, au détriment des assurés sociaux. Mutuelles complémentaires et assurances privées (c’est-à-dire ceux qui s’empareraient de ce que la Sécu aura abandonné) auraient donc leur mot à dire sur l’étendue des tarifs et des remboursements pratiqués : le gâteau serait sûrement très bien partagé... au détriment de l’intérêt général.
  4. Raffarin : les intérêts privés et l’idéologie capitaliste. Raffarin a donné la ligne essentielle de la réforme : l’assuré-e paiera une part de sa poche, pour être « responsabilisé(e) » bien sûr ! Et il y aura encore des déremboursements, mais choisis « en fonction de critères scientifiques ». N’importe qui se posera alors légitimement la question : « On cesse de rembourser des médicaments parce qu’ils seraient inefficaces... mais s’ils sont inefficaces, pourquoi leur vente est-elle autorisée ? » Mais parce qu’en autorisant leur vente, on autorise l’enrichissement des multinationales pharmaceutiques ! Y a bon le capitalisme : si quelque chose est inutile mais se vend, le patronat le produit. Si quelque chose est utile à la société mais pas rentable au patronat, on en cesse la production. Logique non ?
  5. L’exclusion des plus pauvres. Pour le pouvoir, la casse de la Sécu est une étape de plus dans l’abolition du droit à la santé. L’exclusion de certaines catégories de populations du champ de la Sécurité sociale a commencé avec la réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME), seul recours des personnes sans droit au séjour en France, et devenue impossible à obtenir.
  6. La gratuité des soins : ce serait fini dans tous les cas. Selon le ministère, « laisser au patient un reste à charge pourrait permettre [...] de sortir de l’impression d’une gratuité totale des soins. » Mais chaque salarié(e) cotise chaque mois pour l’assurance-maladie ! Une cotisation est déduite de son salaire brut ! Et chaque salarié(e) a donc droit à son assurance quand il est malade ! Derrière une attaque idéologique contre la « gratuité », c’est simplement la volonté de pressurer les salarié(e)s qui intéresse le patronat et l’Etat !
  7. La carte vitale : une diversion. Douste/Raffarin nous accusent de frauder : il y aurait 10 millions de cartes vitales en trop. Et en plus, les cartes légales seraient utilisées par des familles entières, pour profiter de la couverture médicale d’un malade ! La solution pour ce dernier problème serait donc de coller une photo sur la carte. Mais plutôt que de bavarder sur un phénomène marginal au regard des enjeux, le gouvernement ferait mieux de s’interroger sur cet aveu : si des gens ont besoin de frauder pour se soigner, cela signifie que le principe d’une couverture médicale universelle est déjà bien entamé, et c’est là le scandale !
  8. Le « Grand Fichier central ». Une autre façon de limiter cette prétendue fraude - et notre consommation « inconsidérée » de médicaments et d’examens médicaux -, serait de créer un dossier médical informatisé et centralisé accessible par tou-te-s les médecins. Quel est le risque avec ce « Grand Fichier centralisé », hormis les risques qu’il fait courir au secret médical ? Seuls les actes inscrits dans le dossier seraient remboursables. Il suffirait de fixer une limite aux nombres d’examens possibles et hop ! il nous devrions y réfléchir à deux fois avant d’aller chez le médecin... Seul(e)s les riches pourraient se permettre de s’inquiéter de leur santé avant de s’inquiéter de leur porte-monnaie.

L’APPAUVRISSEMENT POUR TOUTES ET TOUS, L’ENRICHISSEMENT DES ASSURANCES PRIVÉES

Pour le système de santé, une alternative : la socialisation. La socialisation est une alternative à l’étatisation et à la privatisation. Elle vise à réquisitionner les moyens de production vitaux pour en confier la propriété inaliénable à la société, leur gestion étant confiée aux travailleur(se)s concerné(e)s.

Un principe fondamental, cinq axes politiques.
Un principe fondamental : le droit à la santé pour toutes et tous, c’est-à-dire que la nécessité de soigner et le diagnostic médical doivent primer sur toute considération comptable. Il faut revendiquer la gratuité, qui seule permet l’accès universel aux soins.

  1. Réunifier le système de santé. Il faut refonder une seule Sécu pour toutes et tous en lieu et place d’une Sécu à trois vitesses (Sécu pour les salariés, CMU pour les pauvres, Aide médicale d’Etat pour les sans-papiers) qui consacre et institutionnalise un véritable apartheid social.
    Il faut remettre à plat les « trois étages » de l’assurance-maladie. A l’heure actuelle, seul le « premier étage » est égalitaire la Sécurité sociale ; le « deuxième étage » (les mutuelles complémentaires) et le « troisième étage » (les assurances privées) renvoient à une logique individuelle favorisant les plus riches.
    Il faut revenir à un organisme unique, à cotisation égalitaire, pour des prestations de qualité universelle.
  2. Pour la prévention ; en finir avec les accidents du travail. Il ne s’agit pas non plus que les capitalistes s’en remettent totalement à la Sécu pour s’exonérer de leurs responsabilités dans la dégradation de la santé publique. Maladies professionnelles et accidents du travail : les indemniser c’est bien ; les éviter c’est mieux. Cela nécessite d’imposer au patronat davantage de sécurité au travail, et d’assurer l’indépendance de la médecine du travail, aujourd’hui inféodée et financée par le patronat.
  3. Socialiser les entreprises pharmaceutiques.
    • pour mettre fin aux détournements de cotisations que constituent leurs profits financiers pharaoniques ;
    • pour permettre à la collectivité de décider de l’orientation de la recherche scientifique. A l’heure actuelle les médicaments qui se vendent bien par exemple - et qui ne sont pas forcément urgents ni efficaces - sont développés en priorité, au détriment des impératifs de santé publique. La recherche contre le sida est la première victime de cette logique libérale.
    • la socialisation des pharmacies, niveau intermédiaire abusif entre producteurs et consommateurs serait aussi un pas en avant dans la rationnalité.
  4. Socialiser les cliniques et les hôpitaux. Pour développer et implanter de façon rationnelle et égalitaire tous les lieux petits et grands où des soins sont dispensés (hôpitaux, cliniques, centres de soins, médecins libéraux...), il faut en finir avec la logique de compétition, et adopter une logique de coopération, que seule la socialisation peut permettre.
  5. Pour une autogestion de la Sécurité sociale. Le financement de l’ensemble du système de santé publique est basé sur les cotisations des assuré(e)s. Les professionnel(le)s sont payé(e)s grâce à nos cotisations. Rien ne légitime que l’immense majorité doive assister silencieuse à la manipulation de ses cotisations sans avoir son mot à dire. En 1945, les 3/4 des membres du conseil d’administration de la Sécu étaient des élu(e)s des salarié(e)s.

Ni médecine libérale, ni médecine d’Etat, la société a besoin d’un service de santé socialisé, au sein duquel les professionnel(le)s géreront collectivement l’organisation du travail et des moyens nécessaires, en fonction des objectifs mis en avant par les assuré(e)s sociaux.

Retrait du projet gouvernemental !

Il faut tirer les enseignements du conflit sur les retraites. Sans même parler de la CFDT qui a soutenu le projet du Medef, la stratégie des grandes confédérations syndicales comme la CGT et FO, de négocier avec le Medef, a conduit à un échec retentissant.

Face au projet patronal et gouvernemental, il n’y a pas d’autre possibilité que de mobiliser les travailleur(se)s pour exiger un retrait pur et simple du projet. Négocier avec le Medef et/ou le gouvernement sur la base qu’ils proposent, ce serait commencer à accepter la logique de la casse de la Sécu. Seul un affrontement central avec l’Etat et le patronat permettra d’obtenir l’arrêt de la casse de la Sécu. Il n’y a pas d’autre choix que la préparation de la grève générale et s’il le faut, de la paralysie du pays entier. Y parvenir n’est pas certain. Mais ne pas se lancer dans cette perspective, c’est de façon certaine se résigner à perdre la bataille.

[1Ces chiffres sont issus du Rapport 2003 des comptes de la Sécurité sociale.

 
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