Sommet de Copenhague : Y a-t-il vraiment des raisons d’espérer ?




Faut-il croire à l’optimisme qui est ressorti de la commission des 44 ministres de l’environnement le 17 novembre, où la communauté internationale a semblé s’engager plus franchement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de financement de la transition climatique ? Pas si sûr…

Si l’engagement collectif conditionne à ce point la possibilité de parvenir à un accord à Copenhague, c’est bien parce que les négociations et le Sommet dans son ensemble réitèrent l’impasse absolue d’un écologisme sans décroissance, où aucun pays ne veut céder sur sa productivité. S’il est bon que Copenhague ne soit pas bloqué, et s’il est bon que les Etats-Unis cette fois ne s’en dispensent pas, les parties sont pourtant loin de construire une coordination collective de leurs efforts, qu’ils soient financiers ou technologiques.

Le nerf de la guerre

Il y a quand même une première nouveauté, c’est le rapport de force instauré par les pays émergeants et en voie de développement, en réponse à la faiblesse des engagements des États-Unis et de l’Union européenne (lors de son Conseil en mars). À la conférence de Barcelone, tandis que les « grands » cherchaient à négocier leur niveau d’engagement, ils ont bloqué la négociation et forcé la reconnaissance de la dette climatique des puissances historiquement responsables du réchauffement. Leur consentement à diminuer leurs émissions de gaz à effets de serre (GES) sera donc suspendu à un « effort approprié » de la part de la communauté internationale, sur les plans qui sont à l’ordre du jour à Copenhague :
 un engagement de réduction supérieur pour les pays du Nord, temporairement inférieur pour ceux du Sud
 des investissements conséquents des pays développés pour favoriser les dispositifs de développement durable (énergies renouvelables etc.) dans les pays les plus pauvres
 un engagement financier pour compenser les conséquences humaines et économiques de « l’impact climatique » que ces derniers pays subissent.

Une telle pression sur les pays du Nord peut laisser entrevoir une révision de leurs politiques intérieures, ainsi que la mise en place de mesures de justice climatique renforcées. C’est en particulier le renforcement du Fonds mondial pour l’adaptation (voir encadré) qui est visé, ainsi que la création d’un second fonds destiné à l’aide aux victimes des changements climatiques, une des principales demandes des organisations militantes présentes à Copenhague. Un fonds qui serait financé par des subventions des États mais aussi par le paiement des quotas d’émission distribués aux grandes entreprises, par des amendes sur les dépassements, des taxes sur le transport en avion et pourquoi pas par une taxe carbone mondialisée sur les consommations d’énergie, le pétrole en particulier.

La seconde nouveauté du Sommet réside dans la médiatisation croissante de l’idée selon laquelle les coûts d’une coopération et d’une coordination des efforts consentis coûterait moins cher que les initiatives isolées. C’est la thèse du rapport McKinsey 1, selon lequel les émissions mondiales de GES pourraient être réduites de 40 % par rapport à 1990 d’ici à 2030, pour un coût net – prenant en compte la mise en œuvre des politiques publiques – estimé entre 200 et 350 milliards d’euros par an à l’horizon 2030, soit 0,4 % du PIB mondial.

Cette vue contrarie l’idée qu’un accord contraignant à Copenhague se résume à une perte de productivité pour tous, mais pour qu’une telle idée puisse se concrétiser, encore faudrait-il se débarrasser de la logique capitaliste qui grève la préoccupation environnementale en dépit des scénarios climatiques les plus noirs.

Pas de révolution climatique

Car l’aveuglement sur la nécessaire remise en question du modèle capitaliste ne peut que se poursuivre, dès lors que la feuille de route pour Copenhague adoptée à Bali en 2007 intègre les mêmes mécanismes de marché et de financiarisation des émissions de CO2 que le protocole de Kyoto. On a beau connaître le bilan très faible des dispositifs de MDP (mécanismes de développement propre) et MOC (mise en œuvre conjointe) en terme de réduction des GES, savoir qu’ils localisent les efforts de développement vert dans les pays du sud tout en favorisant l’émergence de nouveaux spéculateurs, il semblerait qu’on risque un approfondissement de ces mesures.

C’est surtout l’introduction dans le programme de la gestion des forêts et autres « puits de carbone » naturels qui fait craindre à terme une privatisation de ces espaces pour obtenir des permis valorisables sur le marché. Par ailleurs, parallèlement à la 15e session de la COP se tiendra la 5e session de la réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP) ; il y aura donc deux voies de négociation, la première portant sur une coopération mondiale concernant les transferts de technologie, les émissions de GES et la gestion des espaces naturels, l’autre favorisant la chasse aux droits d’émission valorisables sur les marchés, en plein dans la contradiction d’une écologie qui rapporte aux capitalistes.

Si l’on ajoute à cela la réunion ministérielle de l’OMC pour la libéralisation des marchés des biens et services environnementaux qui va se tenir fin novembre, on peut dire que le contexte mondial ne se prête pas à la prise de conscience attendue à Copenhague. Déjà les difficultés rencontrées pendant le processus font douter d’un véritable accord, et craindre une simple déclaration politique suivie de négociations reportées.

Et malgré le coup de pression du secrétaire exécutif de la Convention de l’ONU Yvo de Boer sur le président américain, cet épouvantail n’a pas définitivement disparu. Que peut-on dès lors attendre du sommet ? La conclusion la plus optimiste pourrait être celle d’une réduction plus drastique des émissions de GES, qui se jouera dans des négociations bilatérales très serrées entre pays. La mobilisation des militantes et militants et des scientifiques pour demander des solutions alternatives reste donc absolument nécessaire, tant pour informer le public que pour faire pression sur les parties 2.

Fanny (AL 93)


COMMENT LA CONFÉRENCE EST-ELLE PRÉPARÉE ?

Côté ONU

La Convention cadre des nations unies pour le changement climatique (CCNUCC ou UNFCC en anglais), adoptée au sommet de Rio en 1992, est mise en oeuvre lors de conférences qui sont ses organes décisionnels. L’organe suprême est la Conférence des parties (CDP ou COP) réunie une fois par an. Elle est préparée au cours de réunions des organes subsidiaires : celui de Conseil scientifique et technologique (SBSTA), l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI), ainsi que le Groupe de travail spécial de l’action concertée à long terme (AWG-LCA), créé dans la foulée du Plan d’Action de Bali (2007), et auquel participent tous les signataires de Rio. Ces organes travaillent sur propositions des différents gouvernements représentés en leur sein, ainsi que sur la base de groupes d’experts ou de travail : le GIEC, le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), le Fonds Mondial pour l’adaptation au changement climatique...

Côté gouvernements

Les gouvernements nationaux ont également préparé la COP en interne et sous forme de négociations bilatérales.

 
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