Tâches ménagères : Au ménage les garçons !




Si l’école prend davantage en compte la question des inégalités sexuées, l’éducation différenciée aux tâches ménagères reste une question relativement invisibilisée. Or, il s’agit d’une dimension sans doute importante à la fois dans l’analyse du sur-échec scolaire des garçons et pour la compréhension des inégalités sociales de genre et de classes.

Les garçons, toutes classes sociales confondues, décrochent plus souvent du système scolaire et réussissent moins bien au moins jusqu’au bac que les filles. En outre, ce sont les garçons des classes populaires, en particulier immigrés, qui subissent le plus souvent une orientation non-demandée vers des filières professionnelles courtes.
Il est possible de corréler ces éléments au fait que les garçons lisent moins que les filles, et que la lecture, en particulier de romans, est considérée comme une activité socialement féminine. Or la réussite scolaire semble corrélée à la mémoire sémantique et donc au niveau en « littératie » (compréhension en lecture), domaine dans lequel les filles surpassent nettement les garçons.

De leur côté, les filles, du moins en France, ont un niveau en mathématiques évalué en moyenne comme moins bon que celui des garçons. Or, les mathématiques sont la clé de la sélection vers les filières les plus élitistes. De plus, même à niveau en mathématiques et sciences égal à celui des garçons, les filles se sentent moins légitimes à s’orienter vers la filière scientifique, et donc ensuite vers les classes préparatoires scientifiques. Elles sont ainsi très sous-représentées dans les écoles d’ingénieurs.

Les filles, quel que soit leur milieu social, connaissent une réussite scolaire paradoxale dans la mesure où leur meilleure réussite scolaire ne leur garantit pas une meilleure réussite professionnelle que les garçons : discrimination à l’embauche, moindre salaire et déroulement de carrière plus lent....

A la maison, elles continuent d’assumer davantage le travail lié à l’éducation des enfants et les tâches ménagères.

Masculinistes vs. féministes

L’analyse explicative du suréchec scolaire des garçons, qui est plus encore celui de ceux issus des classes populaires, fait l’objet de controverses. Il est possible de distinguer trois types d’explications.
Tout d’abord, les thèses masculinistes : le plus grand échec scolaire des garçons est imputé en priorité à la féminisation du personnel enseignant. Les femmes sont surreprésentées aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. Ainsi, certains pays vont jusqu’à concevoir des campagnes pour attirer des enseignants hommes. On peut néanmoins se demander si l’objectif ne devrait pas consister plutôt à revaloriser la place sociale des femmes en particulier aux yeux de leurs élèves garçons !

Deuxième type d’explications, celles que l’on peut qualifier de pseudo-féministes : la moindre réussite des garçons serait liée à leur immaturité biologique par rapport aux filles. Explication très curieuse car il a du s’opérer une mutation génétique en moins d’un siècle : autrefois les garçons - envoyés très jeunes en apprentissage professionnel - pouvaient être considérés socialement comme des hommes dès quatorze ans. Enfin, les explications féministes : la moindre réussite scolaire des garçons doit être recherchée dans l’éducation sexuée différenciée. Les filles reçoivent plus d’injonctions comportementales à la maison de la part de leurs parents. Elles prennent davantage en charge des tâches ménagères. A l’adolescence, elles passent plus de temps à visiter leur famille, qu’à sortir avec des amies, leurs sorties sont plus surveillées. Voici peut-être des éléments susceptibles d’éclairer le fait que plus de 80 % des sanctions scolaires pour indiscipline touchent les garçons. Ainsi, y-a-t-il peut-être une corrélation à effectuer entre travail domestique et travail scolaire.

Dans le système scolaire

Si l’on remonte aux théories éducatives anarchistes, ces dernières accordaient une place fondamentale à la remise en question au sein de l’école de la division sociale du travail. C’était une condition nécessaire pour combattre les inégalités sociales. Il s’agissait en particulier de s’attaquer à la division sociale entre manuel et intellectuel : ce qui se traduisait par l’importance accordée au travail manuel à l’école.

Dans la continuité d’un tel projet, il est fondamental de s’interroger sur le rôle de la division du travail domestique dans la reproduction des inégalités scolaires et sociales de classe et de sexe. Contre cela, l’école pourrait avoir pour fonction la co-éducation aux travaux domestiques.

En effet, une première forme de mépris du travail manuel, c’est sans doute le mépris masculin des tâches ménagères. En outre, comment remettre en cause la division sexuée du travail dans l’espace domestique, si cette question est invisibilisée en pratique par l’école.

Deux exemples de prise en charge scolaire

Avec la revendication d’égalité des cursus entre filles et garçons, les cours de cuisine et de couture sont tombés en désuétude. Pourtant, est-il aussi absurde que cela de soulever de nouveau la question ? Deux exemples peuvent permettre de penser que non.

Le système éducatif finlandais est considéré internationalement comme un modèle. La Finlande est un pays dont le système scolaire reproduit peu les inégalités sociales de classe et de genre. Les résultats scolaires aux évaluations internationales y sont excellents. Or il est intéressant de constater que dès l’école primaire tous les élèves ont des heures de travaux manuels chaque semaine. Au collège, ils ont accès à des heures d’économie domestique.

En France, l’éducation aux tâches ménagères comme condition de l’autonomie est abordée dans les lycées expérimentaux. C’est le cas du lycée expérimental de Saint Nazaire : « Les élèves et les membres de l’équipe éducative (MEE) gèrent le lycée par roulement. La gestion est divisée en plusieurs secteurs comme l’entretien, le secrétariat, la cuisine, la cafétéria (casbah) et la documentation » (extrait de la présentation du lycée).

Ainsi réfléchir à l’éducation domestique dans le système scolaire, c’est s’intéresser à : la réussite scolaire différenciée entre filles et garçons, la reproduction de la division inégalitaire sexuée du travail domestique, la question du mépris à l’égard du travail manuel et en particulier des tâches d’entretien, et enfin considérer ces activités comme une condition de l’autonomie individuelle et de l’autogestion collective.

Irène (AL 78)

 
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