Témoignage : Pour un refus généralisé du fichage ADN




Actuellement, 30 000 personnes par mois sont inscrites au fichier des empreintes génétiques (Fnaeg), plus de deux millions de personnes ont fait l’objet d’un prélèvement ADN lors de leur garde à vue ou de leur détention. Un nombre toujours croissant de personnes disent non à cette logique de contrôle. Témoignage d’un militant opposé au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Dans le cadre de la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, j’ai été arrêté ­suite à des actions collectives. à ceux qui me réclamaient mon ADN, j’ai toujours répondu « mes gènes m’appartiennent ». Malgré la menace d’être condamné à un an de prison ferme et 15 000 euros d’amende, je m’oppose avec détermination à ce chantage organisé par l’État.

Pourquoi tant de gènes ?

En effet, le législateur a prévu que se soustraire au prélèvement biologique est un délit continu, un délit perpétuel.
Rien, à part une relax ou une grâce ne peut nous extraire de ce cercle vicieux. Condamné déjà à des peines de prison avec sursis allant de un à deux mois, je viens de dire non au procureur pour la troisième fois pour la même affaire. Je m’attends à un nouveau procès... et pourquoi pas au bout, à de la prison ferme. L’État fait de moi un multirécidiviste et cherche à me faire craquer et à épuiser tout mouvement de soutien. Face à cet appareil judiciaire bien huilé, on ne peut espérer enrayer la machine que par des refus massifs et généralisés.

Quelle raison d’État justifie le fichage de la population ? Sachant que nos gènes sont bavards et qu’ils renseignent sur nos origines éthno-géographiques ainsi que sur la filiation, l’hérédité, les pathologies, nous pouvons craindre le pire. Si j’accepte d’être fiché, ce sont mes parents, enfants, frères et sœurs qui seront fichés avec moi. Il s’agit d’un engrenage qui instaure un monde de la suspicion où la présomption d’innocence est reléguée aux fins fonds des placards de la justice par les charlatans de la preuve irréfutable, qui sortent toujours l’épouvantail de quelque crime odieux pour nous faire accepter par la peur la mise sous surveillance quasi généralisée de toute la population. Le délire scientiste autour de l’ADN est animé par un esprit de conquête et le mythe du contrôle total. Les scientifiques ont découvert nos gènes, les conquistadors de la politique colonisent nos vies.

Informer c’est résister

Avec la médiatisation de mes procès, j’ai constaté le manque d’information sur ce sujet, y compris dans les milieux militants. Des brochures circulent
 [1], chargées d’informations précises et précieuses. Mais la lutte doit passer par nos témoignages personnels, nos refus du fichage ADN.
Pour que la mobilisation prenne de l’ampleur, plusieurs pistes sont à étudier :
 organiser des états généraux du refus de fichage ADN où avocats, magistrats, scientifiques, philosophes, artistes, militants et fichés en tout genre pourraient analyser les implications du fichage et rechercher des idées pour agir efficacement ;
 créer un document simple et accessible expliquant les dangers du fichage ADN et qui puisse être diffusé très largement (lycées, facs, quartiers populaires, manifs…),
 relancer une campagne pour que les personnes inscrites au Fnaeg exigent la suppression leur données au nom des libertés individuelles et collectives.

Lorsque les enjeux de ce fichage seront clairement exposés, les objectifs du refus généralisé et de l’abolition du Fnaeg seront atteignables.

Rody (AL Nantes)

 
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