histoire

Algérie : Un hommage à l’anarchiste Saïl Mohamed




Personnage relativement connu du mouvement anarchiste des années 1930-1950, il se faisait appeler Saïl Mohamed. Sous son vrai nom de Saïl Mohand Ameziane, on vient de lui rendre un hommage public en Kabylie.

Quelques dizaines d’habitantes et d’habitants de Tibane (Algérie), militants politiques, syndicalistes et associatifs, ont participé, vendredi 14 octobre 2016, à une journée commémorative initiée par les jeunes de l’association Taddartiw du village Taourirt, pour rendre hommage à Mohand Ameziane Sail (Saïl Mohamed) 63 ans après sa disparition.

Après avoir écouté les conférences des historiens, une visite a été rendue à la maison natale de Saïl Mohamed, où une plaque commémorative a été apposée. Sa nièce avait fait le déplacement d’Alger.

Le journal Liberté a fait un récit de la journée (ci-dessous), ainsi que le site web Béjaia News, qui s’enflamme un peu en estimant que Saïl avait été « enterré par l’histoire officielle algérienne ».

En réalité, Saïl Mohamed n’était, jusqu’à ces dernières années, connu que des historiens de l’anarchisme.

Car anarchiste — et même communiste libertaire, pour être exact —, il l’était jusqu’aux bouts des ongles. C’était même un « intransigeant » du mouvement, si l’on analyse son parcours et ses écrits [1] : militant de l’UA, plateformiste, syndiqué à la CGT-SR anarcho-syndicaliste (choix minoritaire parmi ses camarades), combattant volontaire en Espagne, militant FA après 1945, dans la tendance Fontenis en 1952-1953...

En Espagne, en 1936
Saïl Mohamed et Fernand Metant, à Farlete (non loin de Saragosse), devant le tombeau où reposent les morts du Groupe international de la colonne Durruti. Photo publiée dans L’Espagne antifasciste, 18 novembre 1936.
Au premier rang, au milieu, avec des camarades du Groupe international de la colonne Durruti, en 1936.

Il a certes lutté infatigablement contre le colonialisme, depuis l’Hexagone où il était expatrié, mais est mort quelques mois avant l’insurrection de la Toussaint 1954, et ne put donc prendre part à la lutte pour l’indépendance.

Nul doute qu’il aurait été au premier rang, avec les militantes et les militants de la Fédération communiste libertaire, ou ceux du Mouvement libertaire nord-africain.

Guillaume Davranche (AL Montreuil)



Un reportage photo d’Arezki Saker, qui a également filmé les interventions lors de la conférence.

La bibliothèque de Tibane a accueilli la conférence.
Une visite de la maison natale de Mohamed Saïl, à Taourirt, sur laquelle a été apposée une plaque commémorative.
La nièce de Mohamed Saïl était venue d’Alger.

L’ŒUVRE DU MILITANT ANARCHISTE
MOHAND AMEZIANE SAÏL
REVISITÉE

Liberté, 14-15 octobre 2016



L’association socioculturelle
Taddart-iw du village Taourirt,
dans la commune de Tibane,
daïra de Chemini (wilaya de Béjaïa),
a organisé, hier, une journée commémorative
en hommage à Mohand
Ameziane Saïl, un militant
anarchiste et indépendantiste méconnu,
natif de cette localité de la tribu
des Ath Waghlis, en 1894, décédé
en avril 1953 à Bobigny, dans la
banlieue parisienne.

À ce titre, les membres de l’association
organisatrice, à leur tête Ameziane
Hadjab, ont élaboré un riche
programme d’activités, dont une
exposition de coupures de presse, de
photos et de documents retraçant la
vie et l’œuvre du militant anarchiste
originaire de la région, organisée
à la bibliothèque communale de Tibane.

Dans l’après-midi de la même
journée, cette structure a abrité une
table ronde sur cet ancien chauffeur-mécanicien,
en présence des chercheurs
universitaires, des élus locaux,
des syndicalistes, des militants politiques
et associatifs...

Invité à prendre la parole lors de cette
rencontre-débat, le Pr Djamal
Aïssani, président de l’association savante
Gehimab de l’Université de Béjaïa,
a tenu à rendre hommage aux
jeunes du village Taourirt pour avoir
pris l’initiative de mettre en lumière
le défunt Mohand Ameziane Saïl
et rescussiter son oeuvre et sa pensée.
“Il fut peut-être le premier intellectuel
d’expression française de toute la
région, puisqu’il publia plusieurs articles
de presse dès le début des années
1920. Il a fréquenté l’une des cinq
écoles coloniales implantées dans la
tribu des Ath Waghlis depuis 1885”,
dira le Pr Aïssani.

De nombreux militants se réclamant
de la gauche, à l’image de l’ex-maire
de Barbacha, Mohand Saddek
Akrour, se sont relayés au micro
pour mettre en exergue le combat de
cet anarchiste disparu, mais aussi
pour mettre en avant leurs idées qui
se trouvent très proches de celles défendues
par ce dernier.

Pour M. Akrour, militant berbériste
et ancien détenu des événements
de 1980, le peuple amazigh est anarchiste
de nature, de par son organisation
sociale, ses us et coutumes...
L’orateur a estimé que les idées
anarchistes que prônait Mohand
Ameziane Saïl commencent à reprendre
du terrain et finiront à coup
sûr par prendre le dessus dans ce
monde en ébullition.

Notons que les différents intervenants
ont insisté sur la nécessité de
continuer ce travail de mémoire et
de recherche visant à réhabiliter le
valeureux parcours de ce militant
anticolonialiste.

Enfin, il y a lieu de
signaler que cette journée commémorative
a été clôturée par l’inauguration
d’une stèle à l’effigie du regretté
Mohand Ameziane Saïl, qui
trône désormais au milieu de son village
natal, Taourirt. Cette cérémonie
sera suivie par une collation en
l’honneur des invités de la commune
de Tibane.

Kamal Ouhnia

[1Sa notice biographique est disponible sur le site Maitron en ligne.

 
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