COP21 : Un pic de contestation pour le sommet climat




Fin novembre, toute une faune de grands fauves (chefs d’État, multinationales...) se donne rendez-vous à Paris pour s’empresser de ne pas prendre de vraies décisions sur le climat. À nous de les accueillir à la hauteur de leur hypocrisie et de populariser l’idée d’un changement de système pour sauver la planète.

Le grand moment arrive. La première quinzaine de décembre, tous les projecteurs seront tournés sur Paris, pour le sommet climat de l’ONU, la COP21. Les chefs des gouvernements du monde entier seront là, pour trouver un accord « historique » qui permettra de sauver le climat. C’est en tout cas comme ça qu’ils ne manqueront pas de nous présenter la chose, qu’importe l’issue des négociations officielles.

COP 20 à Lima (Pérou)
Chefs d’états et des membres de la classe dirigeante s’autocongratulent.

Car, après autant de battage médiatique, de unes de journaux, d’émissions spéciales, de grandes déclarations politiciennes, il va falloir faire bonne figure, et il est plus que probable qu’un accord soit trouvé, et encensé, quel qu’il soit.

champions du consumérisme

Le gouvernement français, qui aurait bien besoin d’un succès diplomatique sur ce front pour faire remonter sa cote de popularité, surtout en pleines élections régionales, a déjà commencé à préparer l’opinion avec un discours simple : l’environnement va créer des emplois, et la crise écologique représente une opportunité incroyable pour l’économie.

Une communication rôdée

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, le martèle à tout bout de champs, y compris dans sa loi de transition énergétique : la croissance verte, c’est l’avenir, avec son gisement d’emplois dans la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables, l’économie du partage, etc. Superbe discours, qui permet petit à petit de faire oublier l’enjeu principal de préservation des milieux de vie en le faisant passer derrière la question économique.

Finalement, pour le gouvernement, qu’importe si l’accord trouvé à Paris permet vraiment de limiter le réchauffement climatique – de toute façon ces politiciens ne seront plus au pouvoir dans trente ans pour assumer les conséquences de leurs décisions – tant qu’il encourage aujourd’hui le développement des entreprises et donne encore un peu de répit à ce système à bout de souffle.

Car la liste des sponsors privés retenus par le gouvernement français pour financer 20 % du budget du sommet climat ne laisse aucun doute sur l’orientation des négociations et de l’accord à venir : Carrefour, Ikea, Renault, BNP Paribas, EDF, Suez, JC Decaux, ­L’Oréal, Bolloré (liste non exhaustive)... Que des champions de la grande distribution et du consumérisme, du financement des énergies polluantes, du nucléaire ou de la marchandisation des biens communs ! Il n’y a donc aucun espoir que la COP21 propose de rompre avec la logique de croissance et d’exploitation forcenée de la nature (et du prolétariat !) qui est pourtant responsable de cette crise écologique.

cc Les Renseignements généreux

D’ailleurs, pour l’instant, les « contributions » des pays qui ont déjà rendu publiques leurs feuilles de route pour les négociations, notamment celles des trois principaux émetteurs de gaz à effet de serre (États-Unis, Union européenne, Chine), ne permettent absolument pas de rester sous la barre des 2 °C à l’horizon 2100 (objectif défendu par l’ONU).

Il faut dire que pour cela, ces puissances devraient passer à 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2050, ce qui paraît impossible pour l’instant vu le poids des lobbies pétroliers et gaziers et les investissements massifs encore réalisés aujourd’hui dans les énergies fossiles. La Chine a ainsi construit deux centrales à charbon par semaine dans les années 2000 et en a encore plus de 300 en projet. Les États-Unis sont devenus depuis 2012 le premier producteur mondial d’hydrocarbure avec l’exploitation délirante des gaz et huiles de schiste. Le Canada a lancé depuis une bonne dizaine d’années le plus gros projet industriel de l’histoire avec l’exploitation des sables bitumineux. Et la France continue de marteler que le nucléaire sauvera la planète. Comment ces gouvernements espèrent-ils être crédibles à Paris ?

Alternatives concrètes et projet révolutionnaire

Mais au-delà de ces gouvernements, il est aussi question du système économique et politique global qui est derrière (lire article ci-dessous). Or, sur ce point, il n’y a pas vraiment ­d’unité dans les mobilisations qui se préparent. Car même si l’un des slogans les plus repris en ce moment est « Changeons le système, pas le climat », tout le monde ne lui donne pas le même contenu.

L’ours de Greenpeace

Ainsi, la Coalition Climat 21, qui cherche à créer une mobilisation citoyenne massive, évoque dans sa déclaration une « transformation durable de toutes les politiques publiques » qui ont un impact sur le climat. La déclaration du mouvement Alternatiba appelle aussi à un mouvement citoyen massif et au renforcement des alternatives concrètes, et critique les gouvernements, les multinationales et les lobbies. Mais ces mouvements et initiatives, qui par ailleurs font beaucoup pour favoriser une prise de conscience écologique massive, ne remettent pas ouvertement en cause le capitalisme.

Il est évident qu’ils luttent contre le néo-libéralisme, et qu’ils véhiculent de nombreuses idées et pratiques opposées à la logique capitaliste, mais ils ne partagent pas l’idée « politique » libertaire qu’il faut remplacer l’ensemble de ce système par complètement autre chose.

Coca Cola s’accommodera très bien du vert

Or, si on ne va pas à la racine même du problème, on risque de n’apporter que des demi-solutions. Ainsi, si promouvoir les alternatives concrètes est absolument nécessaire, le capitalisme peut très bien s’accommoder du développement de ces alternatives tant qu’on lui laisse la place de prospérer à côté (deux exemples, ici avec la géothermie, et là avecla dépollution). Pire, il pourrait bien récupérer et marchandiser ces initiatives, comme il l’a déjà fait avec la nourriture bio par exemple. Il pourrait aussi renforcer la répression et l’impérialisme intérieur en multipliant toujours plus les grands projets inutiles et imposés. Ou alors, il pourrait surfer sur les revendications écologistes et sociales de relocalisation pour revenir à une échelle nationale et offrir à ses citoyens un « développement durable » tout en fermant ses frontières aux réfugiés climatiques du reste du monde

Il est donc absolument nécessaire d’articuler des idées et pratiques écologistes avec une vision politique globale. Les mécanismes de répression, de reproduction des élites, de division des classes laborieuses, d’impérialisme, etc., qui servent les intérêts du capitalisme, doivent être brisés une fois pour toutes pour éviter qu’ils ne reviennent au galop.

Diversité des tactiques

Cette compréhension du capitalisme permet aussi de comprendre sa façon de diviser les mouvements sociaux et de monter les militants et les militantes les uns contres les autres, notamment avec la question de la violence (division entre les « bons » militants non violents et les « mauvais » casseurs).

Cette question va inexorablement se poser de nouveau pendant la COP21, car il est plus que probable que des groupes optent pour l’action violente. Et même s’il est souhaitable que ces groupes n’impliquent pas dans leurs actions des personnes qui ne le veulent pas (par exemple en faisant éclater des vitrines et en provoquant des affrontements avec la police en plein milieu des cortèges non violents), il est nécessaire d’affirmer la solidarité entre tous les types d’actions. Car quand un système génère autant de souffrances et de dégâts, et menace les conditions mêmes d’existence des générations futures, toute forme de résistance est légitime.

L’important, pour début décembre, est de se mobiliser et de faire trembler les maîtres et destructeurs du monde dans leur tour d’argent.

Jocelyn (AL Gard)


Photo : cc Milo/Photothèque rouge — Manifestation "Non au salon pro-nucléaire" du 11 octobre 2014 à Paris

 
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