politique

Paris : ce qui s’est dit entre les syndicats et le préfet de police




En publiant un communiqué suggérant que les syndicats collaboraient avec la police, la préfecture de police de Paris a contribué à provoquer les affrontements qui ont entaché la manif du 12 mai. Une manipulation qui a exaspéré au sein de Solidaires. Un camarade témoigne.

Dès le 11 mai au soir, les réseaux sociaux frémissaient d’une nouvelle sensationnelle : les syndicats allaient collaborer, main dans la main, avec la flicaille, durant la manif du lendemain. D’où venait l’info ? De la police elle-même bien sûr.

Le préfet Michel Cadot est pourtant connu pour sa façon sciemment approximative de diffuser des informations.

Malheureusement la manipulation a fonctionné puisque, le lendemain, les cortèges syndicaux ont dû subir pendant quelques temps les insultes et les provocations  flics », « collabos »…) d’un groupe de manifestant.e.s qui avaient visiblement gobé la communication policière. A hauteur des Invalides, les manifestants qui ont affronté le SO de la CGT avaient les mêmes invectives à la bouche.

« Une décision unilatérale »

Mais de quelles sombres tractations la préfecture de police de Paris a-t-elle bien pu être le théâtre, la veille de la manif ? Un camarade de Solidaires témoigne :

« Que les choses soient claires, nous avons été reçus par le préfet Cadot à deux reprises.

La première fois, c’était le 28 avril, suite à la protestation de l’intersyndicale francilienne (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef) contre la répression et les violences policières. L’intersyndicale a alors rencontré le préfet pour lui demander des explications sur le déploiement des forces de l’ordre dans les manifs. A cette occasion nous avons dénoncé les méthodes des flics (couper les cortèges, ne pas nous laisser aller au bout du parcours, gazer, faire du zèle...) et affirmé que nous ne ferions pas de différence entre les « bons » et les « mauvais » manifestants. Bien sûr, avec des nuances selon les syndicats, comme l’a relevé le préfet lui-même : « Vous vous exprimez de manières différentes. »

La deuxième fois, c’était en allant déposer le parcours de la manif du 12 mai. Là, surprise, les services de la préfecture nous disent que le préfet en personne veut absolument voir l’intersyndicale. Intrigués, nous le rencontrons. On le sent quelque peu paniqué par le 49.3, redoutant qu’il entraîne une explosion de violence. Il nous explique qu’il veut cadenasser la manif avec des flics, en particulier autour du cortège de Solidaires. Évidemment, nous refusons. Il nous dit alors que ses hommes souhaitent aller chercher les « casseurs » qui se cacheraient dans nos cortèges. La CGT lui rétorque que nous ne sommes pas des auxiliaires de police.

En désespoir de cause, il nous informe que ses hommes formeront un « U inversé » devant le carré de tête. Il s’agit là d’une décision unilatérale, ne laissant aucun choix dans le dispositif.

La soi-disant « relation étroite » mentionnée à la fin du communiqué se limite à un officier de liaison imposé à chaque syndicat, qui vient nous dire de temps à autre si ça avance ou pas – une sorte de régulation de la circulation qui ne nous est guère utile, puisqu’on sait très bien, par nous mêmes, si ça avance ou pas... Le mec, ça le fait clairement chier de venir nous parler, et on ne devient pas copains au fil de la manif… »

Conclusion : la préfecture dit ce qu’elle a envie de dire, que ce soit pour se faire bien voir de la Place Beauvau ou pour jeter la suspicion sur les organisations syndicales. Mais on n’est pas obligé de la croire sur parole. Ni de faire circuler les cancans policiers sur les réseaux sociaux en croyant partager une révélation sensationnelle.

Suite à cette échauffourée, qui a fait des blessé.e.s de part et d’autre, ça cogite ferme au sein des organisations syndicales pour éviter une redite. Dans tous les cas, suite à cette affaire, il y a de fortes chances qu’au moins la CGT, la FSU et Solidaires refusent de se retrouver dans la même pièce que le préfet... pour éviter toute velléité de manipulation !

Guillaume Davranche (AL Montreuil)

 
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