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Nécrologie : Nicolas Trifon, animateur d’Iztok, est mort




Cet anarchiste roumain réfugié en France, avait édité Iztok,« revue libertaire sur les pays de l’Est » de 1979 à 1991. Apprécié pour son érudition caustique, il continuait à écrire régulièrement pour Le Courrier des Balkans.

Cet anarchiste roumain réfugié en France, avait édité Iztok, « revue libertaire sur les pays de l’Est » de 1979 à 1991. Apprécié pour son érudition caustique, il continuait à écrire régulièrement pour Le Courrier des Balkans.

Dans les années 1980, alors que les craquements du bloc soviétique se multipliaient, une indispensable petite revue francophone suivait, d’un point de vue libertaire, les contre-pouvoirs, les samizdats, les luttes sociales, les syndicats libres, les anarchistes et autres dissidents de gauche qui surgissaient en URSS, en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie… Cette publication, c’était Iztok, « revue libertaire sur les pays de l’Est », dont le premier numéro en français était paru en septembre 1979, et dont Nicolas Trifon fut, jusqu’au bout, avec Frank Mintz et Vincent Albouy, un des principaux artisans.

Iztok n°12 (mars 1986)

Né en Roumanie en 1949, Nicolas Trifon avait 19 ans au moment du printemps de Prague et de Mai 68 en France. Jeune enseignant devenu un élément déviant, portant les cheveux longs – un « social-hippie » selon la terminologie en vogue sous Ceaucescu –, il avait subi la répression et réussi à se réfugier en France en 1977.

Peu après son arrivée, il avait milité à l’Organisation combat anarchiste (OCA), qui en 1979 devait fusionner au sein de l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL). Cependant, il ne rejoignit pas l’organisation unifiée, et se consacra au lancement d’Iztok.

La revue eut un grand succès, ses articles étant souvent retraduits en italien, en allemand, en anglais ou en espagnol. L’équipe d’Iztok L’Est » en bulgare) tenta également de diffuser la pensée anarchiste à l’Est, par le biais de brochures rédigées en polonais, en hongrois, en bulgare et en roumain, même si les faire circuler de l’autre côté du rideau de fer s’avéra ardu. Après la chute du Mur de Berlin, le mouvement libertaire commença à s’organiser en Europe de l’Est, et l’équipe d’Iztok jugea que son rôle était dépassé. La publication fut close avec le 20e numéro, en juin 1991.

Entré en 1985 au syndicat CGT des correcteurs, Nicolas Trifon travailla par intermittence dans la presse quotidienne (Les Échos et Le Parisien libéré). À partir de 2005, il entama une collaboration suivie au Courrier des Balkans, et devint un pilier de ce média. La même année, il publia Les Aroumains, un peuple qui s’en va (Acratie), en défense de cette minorité nationale de Roumanie dont il était issu.

Comme l’écrit Florentin Cassonnet dans Le Courrier des Balkans, la guerre en Ukraine fut le dernier engagement de Nicolas Trifon : « Attentif à faire entendre la voix des alternatives libertaires s’opposant à l’impérialisme russe mais aussi à toutes les formes de nationalismes, il se référait à la figure tutélaire de Nestor Makhno, combattant anarchiste ukrainien durant la guerre civile russe. »

Atteint d’un cancer, Nicolas Trifon est mort le 18 août 2023. Sa mémoire a été largement saluée.

Guillaume Davranche (UCL Montreuil)

 
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