Ecologie

Intersectionnalité : Pour des luttes écologiques antiracistes et populaires




Les quartiers populaires sont à l’intersection des dominations et subissent plus fortement les conséquences de la pollution et du réchauffement climatique. Pourtant, les liens entre mouvement écologiste et luttes de ces quartiers peinent encore à se créer malgré des premiers pas encourageants.

Les quartiers populaires sont au croisement de diverses formes de domination. L’État raciste y déploie des mécanismes coloniaux qui rendent la vie des habitantes extrêmement difficile  : réduction des services publics, autoritarisme accru au détriment de l’éducation, exclusion ­géographique avec moins de transports en commun, violences ­policières… À cela s’ajoute une qualité de vie fortement impactée par les crises environnementales. Les quartiers populaires sont recouverts de béton ce qui renforce les îlots de chaleurs.

À l’inverse les quartiers plus riches des métropoles accumulent les espaces verts (privés ou publics) qui permettent un rafraîchissement lors des canicules. [1]

Les quartiers populaires sont construits dans des zones non prisées des villes, souvent à proximité des autoroutes ou des sites industriels, les exposant ainsi à une pollution importante. Par exemple, à Lyon, les écoles classées en REP/REP+ (Réseau d’éducation prioritaire) sont trois fois plus nombreuses dans les zones fortement polluées par le dioxyde d’azote (NO2) (dépassant les 40 μg/m³, la valeur limite réglementaire annuelle) [2]

Des luttes en parallèle…

Pour faire face à ces injustices sociales et écologiques, les habitantes des quartiers populaires s’organisent à travers des collectifs de lutte, des syndicats de ­personnes concernées, etc., pour défendre : le droit d’accès à la piscine avec le maillot couvrant, ­l’amélioration les menus des ­écoles… En parallèle, existent les luttes contre les grands projets inutiles et pour la réappropriation des terres : les mégas bassines, No TAV… Mais, ces deux sphères de lutte peinent à se rencontrer et plusieurs éléments peuvent ­l’expliquer.

Premièrement, comme on a pu l’observer après l’assassinat de Nahel, quand un mouvement émanant des quartiers populaires prend forme, on note une certaine méfiance et un temps ­d’observation s’applique par manque de (re)connaissance de ces luttes. Deuxièmement, les modes d’action sont différents. Par exemple, une action tenue secrète ou illégale entraîne une sélection des potentielles participantes. Nous vivons dans un État raciste et autoritaire, qui fait que les risques encourus par les personnes ne sont pas les mêmes selon leur racisation. Ainsi, vouloir faire de la désobéissance civile sans réelle stratégie autre que la massification, implique, forcément, un filtre sur les participantes. De plus, les habitantes de quartiers populaires subissent du racisme à outrance, un racisme qui les exclue tous les jours, les faisant sentir  pas chez eux », donc comment on peut s’attendre à une quelconque défense des terres dans un territoire qui n’est pas « notre ».

Enfin, le peu d’espaces communs existant nous cloisonne, ce qui entrave notre solidarité de classe. Redynamiser les Unions locales des syndicats, les bourses du travail, les maisons des habitantes ou encore créer des maisons de l’écologie populaire (tel que Verdragon) [3] sont des pistes pour recréer des espaces communs de solidarité et de lutte.

… qui gagneraient à s’entraider

Cependant, quelques liens existent et mériteraient d’être ren­forcés. En 2020, il s’est déroulé une manifestation conjointement organisée par le Comité Adama et Alternatiba sous le slogan commun  : « Génération Adama, Génération climat  : on veut respirer ». Cette solidarité face à la répression est importante, il est ainsi nécessaire de construire des liens pour lutter ensemble et faire preuve d’une réelle entraide de classe. Cela ne pourra avoir lieu sans une remise en question profonde des dynamiques racistes présentes au sein des organisations majoritairement blanches.

Oum et Léo (UCL Grenoble)

Pour aller plus loin :

  1. Fatima Ouassak, Pour une écologie pirate, La Découverte, 198 pages, 17 euros.

[1Correia, Mickaël, Huet, Donatien et Rossi, Cédric, « Inégalités climatiques : comment les riches accaparent les espaces verts » », Médiapart.

[2Deguern, Séverine, Desfontaines, Valérie, Soret, Jodie, Stahl, Mina, Talantikite, Wahida, Vandentorren, Stéphanie et Vasseur, Pauline, « De l’injustice sociale dans l’air. Pauvreté des enfants et pollution de l’air », rapport final de l’UNICEF, octobre 2021

[3Verdragon, Maison de l’Écologie Populaire, est un lieu/projet co-construit par Alternatiba Paris et Front de mères plus d’info dans l’espace consacré sur le site Front2meres.org.

 
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