Appel de Christchurch : Comment sauver le soldat Zuckerberg




L’attentat commis dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande a suscité de nombreuses critiques visant l’incapacité du géant du Web à modérer ses contenus. Deux mois plus tard, Emmanuel Macron et Jacinda Ardern, la Première ministre néo-zélandaise, lançaient depuis Paris un « appel de Christchurch » contre l’extrémisme en ligne. Derrière la façade des intentions louables et des discours rassurants, quel crédit pouvons nous donner à la parole des gouvernants et des GAFAM ?

Le 15 mars dernier, un suprémaciste blanc commettait une tuerie de masse islamophobe en attaquant deux mosquées de la ville de Christchurch (Nouvelle-Zélande).

L’auteur de ce massacre raciste – adhérant à la théorie dite du « grand remplacement » promue par toute la fachosphère à la suite des écrits racistes et complotistes de l’essayiste français Renaud Camus – a innové en usant des réseaux sociaux non seulement en amont de son massacre mais aussi en se mettant directement en scène lors de sa première attaque, diffusée en directe via son compte Facebook. Cela qui a évidemment été pointé du doigt par de nombreuses critiques.

Les GAFAM et la diffusion de la haine

Ces dernières années, les réseaux sociaux ont été massivement utilisés pour diffuser des contenus haineux. Rappelons seulement qu’avant le Facebook Live du 15 mars, le massacre du lycée de Parkland en Floride en février 2018 (17 victimes) avait lui été filmé et live-tweeté. Si l’émotion est légitime face au drame de Christchurch né des délires des suprémacistes blancs, les réactions appelant à la responsabilisation des Gafam et à un meilleur filtrage des contenus diffusés sont-elles à la hauteur des enjeux ? Un appel à la responsabilisation accrue des GAFAM est-il de nature à mettre fin à la diffusion de propos et autres contenus haineux via les réseaux sociaux de contenus ?

Les pompiers pyromanes

Réagissant à cet « appel de Christchurch », l’association La Quadrature du Net a évoqué une image on ne peut plus explicite : « demande[r] aux pyromanes d’éteindre l’incendie ». Derrière l’apparence d’une reprise en main par les « autorités publiques », cet appel ne fait qu’entériner des pratiques validées par la Commission européenne ces derniers mois : donner aux seuls Gafam le pouvoir de juger ce que sont les contenus haineux et illicites. En faisant croire à une modification des pratiques, on maintient l’essentiel : le modèle capitaliste de Facebook et consorts. C’est ce modèle qu’il faudrait critiquer ! En fait, les intérêts des uns, les États, ne sont pas en contradiction avec les intérêts des autres, les Gafam.

Derrière les promesses de modification et de renforcement des règles de fonctionnement et de la modération se cache le problème réel, celui d’un modèle capitaliste qui fructifie sur l’accumulation de données personnelles à des fins commerciales. Lesquelles données peuvent par ailleurs être exploitées dans le cadre d’une surveillance étatique généralisée ou ciblée (et nous pourrions bien en être ou en devenir les cibles !).

On apprend d’ailleurs ce mercredi 26 juin que Facebook acceptera désormais de fournir à la justice les adresses IP des auteurs de propos haineux. Une grande première mondiale dont certains font semblant de se réjouir. Mais les IP des capitalistes haineux seront-elles divulguées également ?

David (UCL Grand-Paris-Sud)

 
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