Antiracisme

Cité Gutenberg : Une lutte autogestionnaire victorieuse




Suite à l’assassinat en 1982 d’Abdennbi Ghemia, habitant de la cité de transit Gutenberg à Nanterre, ses amis et sa famille mèneront une importante lutte victorieuse, à la foi pour la vérité et la justice et le relogement des habitantes.

Le 23 octobre 1982 Abdenbi Guemiah, étudiant de 19 ans, sort de la mosquée et se rend tranquillement chez lui lorsqu’une balle l’atteint en pleine abdomen, tiré par depuis la zone pavillonnaire. Abdenbi succombe le 6 novembre. Le lendemain une marche silencieuse réunit 2000 personnes au message « plus jamais ça ».

Abdebi Ghemia était le trésorier et premier secrétaire de l’association Gutenberg dont l’objectif était la réussite éducative et scolaire.

Elle mettait tout en œuvre pour protéger les plus jeunes de la délinquance. Abdenbi luttait aussi pour le relogement et de meilleures conditions de vie : dans les années 1960 certaines populations immigrées des bidonvilles comme celui de Nanterre furent relogées dans des cités de transit, éphémère en principe... Après sa mort les amis d’Abdenbi reprennent en mains l’association et déclarent à la famille « on s’engage à poursuivre jusqu’au bout le combat d’Abdenbi pour que le rêve de notre frère, le relogement décent de tous les habitants de la cité de transit, deviennent réalité » [1].

le 6 novembre 1983 à Nanterre, durant les marches, l’association Gutenberg organise au cœur de la cité un hommage à Abdenbi, 1 500 personnes sont présentes. Ils et elles seront par la suite brocardées comme « les voyous du mouvement beur ». Une grève des loyers illimitée est organisée jusqu’au relogement, et une coordination de cités se monte alors pour construire un rapport de force avec les pouvoirs publics. Une SCOOP de déménagement est créée par les habitantes pour contrôler le processus de relogement.

Une victoire locale et nationale

Les mères d’Abdenbi et de Wahid Hachichi, assassiné le 28 octobre 1982 à Vaulx-en-Velin, se rencontrent et décident de fonder L’association nationale des familles des victimes. Lors du procès du meurtrier en janvier 1985, malgré une mesure législative qui permet aux associations de se porter partie civile dans les affaires de crimes racistes, faute d’ancienneté les deux associations ne pourront pas se porter partie civile.

Elles ne peuvent justifier des cinq ans d’existence préalable ! Elles feront cependant en sorte de consolider les point d’unités pour éviter les divisions. Leur avocat maître Jean-Pierre Choquet déclare que les proches d’Abdenbi « savent absolument tout ce qu’il y a dans le dossier, c’est notre façon de travailler, de les associer »idem. Le meurtrier sera condamné à une peine de douze ans de prison, peine inédite jusqu’alors dans le cas d’un meurtre raciste.

L’affaire Abdenbi provoqua la mise en place d’une mission d’étude chargée de la résorption des cités de transits. En mars 1985 la cité sera entièrement détruite et les habitantes relogées : la veille du procès la dernière famille de la cité quitte les lieux : « la réparation morale se double d’une victoire sociale concrète, qui servira de tremplin pour les habitants des autres cités de transits, relogés dans la foulée de l’effet Gutemberg » [2]. Leur grande victoire est d’avoir réussi à dépasser la logique locale pour la transformer en un enjeu national.

En 2012, l’association des amis d’Abdenbi Guemiah a milité auprès de la mairie de Nanterre pour donner son nom à une artère de la ville, ce qu’ils obtiendront le 25 juin 2013.

Nicolas Pasadena (Commission antiraciste de l’UCL)

[1Mogniss H. Abdallah, Rengainez, on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la Hagra policière et judicière des années 1970 à nos jours, éditions Libertalia, 2012.

[2idem

 
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