Loi Bachelot, suite et fin d’une mort annoncée... de l’hôpital




Le 28 avril, plus de 15 000 personne manifestaient à Paris et plusieurs milliers d’autres participaient à des actions diverses dans toute la France pour dénoncer la dernière loi en matière de destruction du système de santé publique. Même si avec la soudaine mobilisation des « mandarins », ces chefs de services prestigieux, habituellement peu prompts à se mobiliser, le mouvement contre la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) a acquis soudainement une visibilité médiatique, la mobilisation des syndicats de salariés, des associations de patients dure depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

En effet, le domaine de la santé n’échappe pas aux coups de boutoir du système capitaliste qui soumet aux lois du marché l’ensemble des services publics depuis plus de 20 ans. Sous la pression des libéraux, en agitant le spectre du prétendu « trou de la sécu »
 [1], l’État reprend le pouvoir sur la branche maladie de la sécurité sociale en 95, et par la même occasion sur les budgets du système de santé. C’est l’instauration du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) qui introduit une logique purement comptable de maîtrise des dépenses dans la gestion de la sécurité sociale. Ce plan introduira aussi les Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH), chargée d’appliquer le PLFSS, donc de rentabiliser les hôpitaux.

En 2003, J-F Mattei, alors ministre de la santé, prétexta la canicule pour mettre en place la cheville ouvrière de la privatisation de l’hôpital public, le plan Hôpital 2007. Ce plan change radicalement la façon de gérer les hôpitaux, en introduisant la Tarification À l’Activité (T2A), qui fait entrer l’hôpital dans une culture d’objectifs. En effet, en basant le financement de l’ensemble des établissements de santés (publics et privés) sur les mêmes critères (une pathologie correspond à un forfait en temps et en soins), sans tenir compte des différences de population accueillies et en créant une classification biaisée [2], ce système va créer un déficit abyssal pour de très nombreux hôpitaux et CHU. Dans ce même plan, est introduite une nouvelle forme de « gouvernance des hôpitaux », qui re-découpe l’hôpital en pôles ayant une large autonomie financière. Chacun doit tirer son épingle du jeu et les restructurations pour rendre rentable chaque pan de l’hôpital vont bon train. Les pôles vont pouvoir entrer dans une politique de concurrence au sein même de l’hôpital public.

Depuis, les contres-réformes s’accumulent, que cela soit celle sur les franchises médicales, les déremboursements des médicaments, la taxation des complémentaires ou le plan « Hôpital 2012 », elles continuent d’aggraver l’état du service public de santé, donc l’accès aux soins des populations.

La dernière loi en date, HPST – dite Loi Bachelot, parachève ce tableau en poursuivant son travail de soumission pyramidale de l’hôpital à l’État d’un côté, tout en achevant la privatisation en cours. Les nombreuses mesures vont à la fois diminuer le pouvoir de décision des soignants (on parle ici du pouvoir résiduel qu’il reste aux seuls médecins) dans la gestion des hôpitaux en instaurant une Agence Régionale de la Santé (ARS) -continuité de l’ARH de Mattei-, et soumettre encore plus le secteur public à des exigences de rentabilité.

C’est parce que l’ARS enlève aux médecins le pouvoir qu’ils avaient acquis dans la gestion des pôles en s’accaparant la direction des hôpitaux et tous pouvoirs sur la gestion sanitaire (et bientôt sociale) des régions, que les mandarins se sont mobilisés le 28. Il en est fini de leur illusion de pouvoir, et c’est bien cela qui leur pose problème, sans toutefois douter de leur attachement à un service public égalitaire... qu’ils avaient jusqu’alors réussi à refreiner en contrepartie de quelques postes bien en vue.

Au-delà de ces basses considérations, l’ARS aura tous pouvoirs pour imposer des regroupements d’hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, préalables aux restructurations et fermetures de services ou d’hôpitaux, comme cela à déjà lieu dans de nombreuses zones dites « rurales ». Et ce ne sont pas les établissements privés qui fermeront, à eux on leur réservera les activités rentables... C’est donc la fin de l’hôpital public et la fin du principe de l’égalité de l’accès aux soins, déjà bien malmené, qui sont en jeu aujourd’hui. Ce que l’on nous propose, c’est un hôpital usine, où les seuls critères à l’œuvre sont les exigences de rentabilité et de coût.

Contre cette ultime réforme, il faut repenser la santé, de manière collective, usager et acteurs de soins ensemble, ne pas nous laisser déposséder sous couvert de réformes soi-disant techniques, pleines de termes barbares, d’un système de soin qui dans ses fondements de socialisation et d’accès aux soins pour tous, proposait un modèle qui échappait aux exigences du capital.

Il faut se réapproprier ces questions de santé publique, à la fois dans le domaine du soin curatif, mais aussi dans l’ensemble des autres. Il faut penser la santé dans tous les pans de la société, à l’école, au travail, à l’hôpital, dans les dispensaires, dans son financement socialisé, pour imposer une autre façon de prendre soin, égalitaire et autogestionnaire.

La mobilisation se poursuit à tous les niveaux, dans les syndicats, dans les collectifs de défense d’hôpitaux locaux, dans les associations d’usager, dans les collectifs départementaux. Une prochaine date de mobilisation unitaire est d’ores et déjà prévue, pendant la discussion du texte au sénat, le 14 mai. D’ici là et après, il faut porter dans l’espace public et dans les espaces collectifs déjà en place la question centrale de la viabilité du concept de santé en système capitaliste.

Nicolas (Marseille)

[1Voir l’article du mensuel en octobre 2007 : Sécu, le trou, quel trou ? et l’argumentaire sur la sécurité sociale : Pour tous et toutes, droit à la Santé !.

 
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