Culture

Lire Suzanne Citron : Légataires sans héritage, Pensées pour un autre monde




Le titre intrigue, tout comme le livre et l’histoire de sa publication. C’est « une porte […] ou, plutôt, une autre porte menant à une autre porte. » Ouvrir des portes, ouvrir des horizons. L’autrice commence par un constat lucide et désabusé sur la gauche, et au-delà, sur la ­politique. Elle décrit et s’interroge sur l’incapacité du langage politique à saisir et appréhender la vie ­quotidienne des gens, car trop en dehors, trop déconnecté du quotidien, analysant ce divorce comme le fruit de l’héritage culturel des élites : langage codé, savant, issu de cette culture antique qui a cimenté leur formation intellectuelle.

Elle développe « la notion du politique comme espace de pouvoir extérieur à la vie quoti­dienne ».
Puis, elle aborde les terres de la mémoire anthropienne, ­parcourt les territoires de la préhistoire et de l’anthropologie, se confronte aux sociétés d’avant l’écriture et celles sans état, et parvient à des mises en perspective entre notre héritage culturel occidental, sa genèse puis son évolution.

Un ordre dogmatique, unique, totalitaire, s’est construit, « césure originelle dans la civilisation » : ­l’État. Une matrice conceptuelle voit le jour, conduisant à la bureaucratie, à la violence, un monde d’oppression et de domination.

Elle se prend alors à rêver, à en imaginer un autre, donnant des clefs pour aider à démythifier notre subi, pour explorer notre vécu. Décloisonner, libérer la société de ce carcan culturel et oeuvrer pour l’auto-institution de la société, vaste programme que nous entendons bien poursuivre.
Un livre, pas d’une lecture toujours aisée, mais qui mérite le détour pour toutes les interrogations et remises en question qu’il soulève.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Suzanne Citron, Légataires sans héritage, Pensées pour un autre monde, Éditions l’Atelier, octobre 2022, 248 pages, 18 euros.
 
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