Dossier spécial

Défense des retraites : cortège de tête et syndicats : à Lyon, ça bouge de part et d’autre




Dans le Rhône, le mouvement a permis des évolutions positives entre chasubles rouges ou roses et Kway noirs. L’éternel débat entre radicalisation et massification y a trouvé une expression singulière.

Depuis 2016, le cortège de tête est un élément récurrent dans les mobilisations de masse. L’implication des militantes de l’UCL Lyon dans le service d’ordre des différents syndicats (Solidaires, CGT et CNT) nous a permis d’observer les rapports entre le cortège de tête et le SO syndical.

Contrairement à certains fantasmes, le cortège de tête n’est pas uniquement composé d’autonomes. On peut y voir des jeunes, des salariées parfois syndiquées, des familles, des retraitées, une fanfare… Bref, c’est un corps ­hétérogène, tant dans sa composition que dans ses motivations : tout le monde n’y va pas pour le grabuge. Certaines participantes le voient comme un cortège « normal », d’autres y viennent pour son énergie, d’autres encore pour ne pas défiler sous une bannière syndicale dans laquelle ils et elles ne se reconnaissent pas.

Dès le début du mouvement à Lyon, l’intersyndicale a mis en place une ligne de SO devant la banderole de tête, afin de lui donner de la visibilité et d’assurer l’avancée de la manif. Mais ça allait souvent à l’encontre de la stratégie autonome. Il a fallu aux coordinateurs et coordinatrices du SO de tête beaucoup de pédagogie pour passer de l’invective au dialogue entre les deux entités. L’implication des communistes libertaires et la féminisation du SO, en réduisant le virilisme, n’y sont pas pour rien.

Les tensions entre les deux cortèges tiennent à la divergence des objectifs. Les autonomes voulaient occuper la rue le plus longtemps possible et casser un maximum de symboles capitalistes. Le pendant de cette stratégie est une violence et une prise de risque conséquente, en contradiction avec la massification du mouvement.

L’intersyndicale quant à elle avait pour objectif de faire des manifestations les plus massives possible, avec une grève puissante et durable, et de les mener sur le parcours négocié (en fait, imposé) par la préfecture. Le pendant de cette stratégie est une certaine lassitude de la manif hebdomadaire.

Au fil du mouvement, les relations se sont apaisées, passant à un respect distant. La répression y est pour beaucoup. Lorsque la police déchaînait sa violence sur le cortège de tête, la ligne de SO intersyndical se positionnait en pointe, de façon à permettre la protection de toutes et tous. Cette attitude a été très appréciée par le cortège de tête, tant et si bien que, lors des moments de répression vraiment dure, les deux cortèges n’en formaient plus qu’un.

À Lyon, durant ce mouvement, nous avons affronté côte à côte le mépris de l’État et sa violence policière. Les manifestantes et manifestants syndicaux ont compris la volonté du cortège de tête d’exprimer sa colère.

Des divergences stratégiques demeurent, mais des passerelles ont été jetées entre syndicalistes et cortège de tête. Pour nous, syndicalistes libertaires, c’est un héritage précieux que nous devrons remobiliser à l’avenir pour gagner les prochaines batailles.

Myriam (UCL Lyon)


Dossier spécial : Défense des retraites, repensons le combat


 
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