Associations : Marchandisation du secteur social : halte au dumping




La poursuite effrénée de mesures d’économies, but des réformes successives depuis une vingtaine d’années, aboutit à une baisse de financement des structures et à une mise en concurrence généralisée.

Depuis près de vingt ans, le secteur social et médico-social subit des mutations qui affectent profondément les pratiques et les cultures professionnelles. Sous couvert « de promouvoir les droits et les libertés » des personnes accueillies dans les établissements, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse que de réformer les organisations et les administrations en charge de l’action sociale. Toutes ces réformes ont été conduites dans un seul but : réduire les coûts.

Gouvernance

Déjà, la loi de 2002 rénovant l’action sociale, et l’acte II de la décentralisation, entérine et promeut un changement de paradigme organisationnel avec l’instauration du terme de « gouvernance », et ainsi une conception nouvelle des organisations et de leur fonctionnement. Ce vocable de la gouvernance, emprunté à Margaret Thatcher dans les années 1980, sous couvert d’une gestion saine des institutions publiques, désignait la mise en œuvre de mécanismes de surveillance et de reddition des comptes, ainsi que la déréglementation des services publics.

Ainsi, en ce qui concerne les institutions du social et du médico-social, la mise en place de l’évaluation externe, combinée aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (enveloppe budgétaire accordée aux associations pour une durée de quatre ans) n’aura pas d’autre but que de réduire les coûts. La poursuite effrénée de mesures d’économies, au nom du principe des grands équilibres budgétaires, aboutit à une baisse de financement des structures sociales, par la soumission de l’existant à des appels d’offres et par la mise en concurrence des structures entre elles.

Partout, les associations rationalisent le coût du travail en déqualifiant et en baissant les ratios d’encadrement. Les taux d’occupation explosent, des extensions sont créées un peu partout à taux constant. Des associations ferment, fusionnent ou sont absorbées par des associations plus grandes qui récupèrent l’argent public et mutualisent les moyens sur l’ensemble de leurs établissements.

Mais soyons clair.es, le modèle associatif subventionné par les pouvoirs publics est en passe d’être relégué aux oubliettes. Ainsi, place aux écoles de commerce, aux banques, aux compagnies d’assurance, aux fondations et aux fonds d’investissements qui voient arriver d’un très bon œil la possibilité de gratter du pognon sur la solidarité publique ! N’importe quel « entrepreneur social » (et c’est comme cela qu’ils se dénomment) peut desormais répondre à un appel d’offres par le biais d’un contrat à impact social, avec un retour sur investissement pouvant atteindre 13 % ! Faire « de la gratte » sur la protection de l’enfance, le handicap... on n’en attendait pas moins de ces exploiteurs de misère toujours plus gloutons, et prompts à la généralisation du dumping social.

Autre réforme votée au budget de la protection sociale de 2016 : « Le projet Serafin-PH » (services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées) qui va complètement transformer le financement des associations du secteur du handicap. Calqué sur les réformes hospitalières successives, le projet Serafin-PH s’inscrit dans la continuité des politiques libérales avec une « tarification à l’activité » en lieu et place d’une « tarification à la place ». Les nomenclatures ont été structurées en trois domaines : santé, autonomie, participation sociale.

Marchandisation

Il n’est donc pas étonnant que, dans les établissements, on soumette, aux équipes éducatives et paramédicales, des logiciels de suivi de soins et d’accompagnement, où il est demandé de « retranscrire tous les actes établis auprès des résident-e-s afin de permettre un suivi plus effectif des parcours des personnes accompagnées ». Ce sera le moyen à court terme, d’évaluer les besoins et donc les financements pour chaque personne accueillie.

D’ailleurs, le secteur public hospitalier a déjà connu cela avec le PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information) dont on disait qu’il était un dispositif ayant pour but la réduction des inégalités de ressources entre les établissements de santé sur la réforme de l’hospitalisation ! Et nous en avons tout de suite vu les effets : des dizaines de milliers de lits fermés, des centaines de postes infirmiers, aides soignants, ASH, des maternités, des services qui disparaissent !

Les budgets des établissements sociaux et médico-sociaux vont à nouveau s’en trouver gravement impactés, ce qui va permettre, bien évidemment, d’ouvrir la boîte de Pandore aux fumeux entrepreneurs « sociaux ». La marchandisation du social et du médico-social est en marche et les ordonnances Macron vont faciliter de fait le remodelage du visage de l’action sociale autour des modèles organisationnels et économiques. Le monde de la finance va insidieusement transformer nos métiers, et l’accompagnement des usagers et des usagères se résoudre à une simple intervention sociale avec un recours massif aux travailleurs sociaux libéraux et donc à l’ubérisation du secteur.

Il est sans nul doute établi que les associations pourront y aller de leur CDI de projet, afin de pallier le retrait indubitable des financements des pouvoirs publics. Et comme tout est bien ficelé, les écoles de formation et les instituts en travail social sont mis, malgré eux, à contribution. On y apprend à répondre à « la commande sociale », on invente de nouveaux métiers, pour coller aux demandes des financeurs et ainsi ajuster les coûts...

Mais ce sont les salarié.es qui y laissent des plumes. Au-delà des salaires gelés depuis dix-neuf ans, des attaques massives sur les conventions collectives et de la remise en cause des accords extraconventionnels, la perte de sens dans le travail, la destruction des collectifs de travail entraînent une réelle souffrance. Des droits d’alerte sont tirés un peu partout, mais le malaise est structurel et difficile à endiguer.

Consentement aux régressions

Parce que ces réformes du travail social opèrent insidieusement, sous couvert « de mieux accompagner les publics accueillis », elles provoquent chez les professionnel.les une vraie difficulté à comprendre ces enjeux et induit une absence de réaction, voire un consentement aux régressions. C’est tout le travail des équipes syndicales en place que d’expliquer les tenants et les aboutissants de ces réformes, responsables de leur mal-être au travail et des pressions qu’ils et elles subissent, et de mobiliser le plus grand nombre contre la marchandisation du secteur.

Marie-Line (AL Lyon)

 
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