Catalogne : Du côté de la gauche sociale et indépendantiste




Vu de France, on le réduit souvent à un chauvinisme égoïste. Pourtant, depuis une trentaine d’années, l’indépendantisme catalan est devenu polyphonique à mesure que s’y ralliait une fraction importante du mouvement social et syndical, de la gauche radicale et libertaire.

Le référendum sur l’indépendance de la Catalogne, le 1er octobre, a été marqué par la répression de l’État espagnol. Dans les médias français, le phénomène indépendantiste a souvent été présenté par le prisme d’une Catalogne riche, qui ne veut plus payer pour les régions pauvres de l’Espagne, et dont l’indépendance est soutenue par une élite libérale. Cette grille de lecture ne reflète qu’une partie de la vérité. Il existe également un indépendantisme portant un message anticapitaliste, antisexiste, antifasciste et écologiste.

On retrouve ainsi en Catalogne, aujourd’hui province autonome issue de la Constitution de 1978 – fruit d’un compromis avec le franquisme –, une force anticapitaliste qui veut en découdre aussi bien avec Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol, qu’avec Carles Puigdemont, sécessionniste libéral qui tente de négocier avec Madrid une sortie de la « crise catalane ». Cette force anticapitaliste se retrouve aussi bien dans des organisations politiques que dans des organisations syndicales.

Parmi elles, la Candidature unitaire populaire (CUP) est une coalition d’assemblées locales au fonctionnement horizontal fondée en 1986. Elle s’est toujours concentrée sur le municipalisme avant, en 2012, de faire élire 10 député.es au parlement de Catalogne. Tout en combattant la politique d’austérité du Parti démocrate européen catalan de Puigdemont, la CUP s’est alliée à ce dernier pour organiser le référendum. La CUP appelle à reprendre la rue avec la création des comités de défense du référendum.

Autre formation relativement connue, Arran est une organisation de jeunesse qui a mené des actions l’été dernier contre le tourisme de masse qui empoisonne la vie de la population de Barcelone. Dans la foulée du référendum, Arran a appelé les universités à bloquer des entreprises et des banques qui menaçaient de délocaliser leurs sièges sociaux, afin de dénoncer les connivences entre la bourgeoisie catalane et celle de Madrid.

La CGT catalane divisée

En parallèle, des groupes libertaires comme Embat ou Negres Temperes se revendiquent du courant anarcho-indépendantiste. Celui-ci est né dans les années 1970, en se distinguant aussi bien de l’anarcho-syndicalisme rétif à la question nationale, que des courants indépendantistes de tendance socialiste étatique. Ces groupes, dont le slogan est « L’indépendance sans limites » ont pour objectif la création d’un espace anti-autoritaire et autogestionnaire libéré du centralisme espagnol. Ils ont apporté leur soutien à la grève générale du 3 octobre, suivie à 80 % dans de nombreux secteurs.

La grève avait été initié notamment par la CGT et la CNT catalanes et le syndicat indépendantiste Intersindical Alternativa de Catalunya (IAC). En fait, la question de l’indépendantisme divise la CGT espagnole, principale confédération anarcho-syndicaliste du pays. Une tendance minoritaire reste attachée à l’idée que, pour résumer, « à la question sociale, il n’est pas de solution nationale ». A contrario, pour Jordi Martí i Font, enseignant cégétiste à Tarragone, par ailleurs militant à la CUP, le mouvement indépendantiste recèle « une véritable dimension sociale, avec des propositions en profondeur, tant au niveau de la vie quotidienne qu’au niveau de la structure sociale de la Catalogne. C’est cette dimension sociale et alternative, et en partie anticapitaliste, qui fait que ce mouvement est aussi massif aujourd’hui, avec de vraies racines au sein des classes populaires. » [1]

Martial (AL Saint-Denis)

[1Jordi Martí i Font (CGT catalane) : « Ce mouvement peut fissurer le mur du pouvoir », Alternativelibertaire.org, le 18 octobre 2017.

 
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