Ordonnances : Contre Macron et ses lois, pour une rentrée brûlante




Le nouveau pouvoir de droite et de droite promet un programme de destruction sociale sans précédent. Nous devons affirmer son illégitimité malgré sa victoire dans les urnes, et préparer un mouvement social d’ampleur en septembre.

Le raz de marée a bien eu lieu, même s’il a été un peu moins gigantesque qu’annoncé. Avec 350 sièges et la majorité absolue, la République en marche aura les coudées franches pour mener toutes les contre-réformes envisagées (et, soyons en sûr.es, au-delà), sans même avoir à négocier les votes de «  républicains  » et de «  socialistes  » Macron-compatibles. Dans tous les cas, une large partie de ces groupes et sous-groupes soutiendront les réformes proposées par Macron et son gouvernement. L’Assemblée est donc finalement aussi hégémonique qu’on le craignait, et complètement inféodée à l’ultralibéralisme. Pourtant, tout ceci n’a rien d’une «  révolution  », comme diraient les «  marcheurs  », ni même d’un chamboulement. Le PS avait montré la voie avec le CICE et la loi travail.

Assemblée hégémonique

Cette hégémonie ne doit cependant pas être confondue avec une quelconque légitimité. Outre l’illégitimité fondamentale, dans une perspective libertaire, de toute assemblée et de tout gouvernement désigné par la voie de la démocratie représentative, d’autres éléments pouvant toucher le plus grand nombre peuvent être avancés : le taux d’abstention, de bulletins blancs ou nuls aux législatives, mais aussi la présence du Front national comme marche-pied pour Macron à la présidentielle, ou encore la mise sur un piédestal du futur président par une large partie des médias dominants pendant toute la campagne sont autant d’arguments à faire valoir plus largement pour refuser toute légitimité au président et à son gouvernement. Au contraire, il faut affirmer la pleine légitimité de la rue, du mouvement social à résister aux coups de boutoir du pouvoir.

Illegitimité fondamentale

En bref, Macron a clairement été élu à la faveur d’un concours de circonstances et non par adhésion des travailleurs et des travailleuses à son programme. Plus fondamentalement, Macron a annexé un espace politique hier convoité par Bayrou comme par Valls, où la bourgeoisie dans son ensemble, qu’elle soit de tradition social-démocrate ou libérale-conservatrice, peut se ­retrouver et constituer une force peu menacée par l’alternance. Avec Macron, la bourgeoisie peut enfin échapper aux querelles intestines stériles qui l’empêchent de saper totalement les intérêts des classes populaires, et instaurer un paradis libéral où les dominants pourront s’enrichir encore plus sur le dos des plus modestes. C’est une autre raison de refuser toute légitimité à ce Président et ce gouvernement faits par et pour les catégories dominantes de la société. La composition sociologique du groupe de la République en marche à l’Assemblée, comme celle de son électorat, renforce cette idée d’une annexion du pouvoir politique par la bourgeoisie.

Contre l’instauration d’un paradis libéral

Le contenu des réformes voulues est certes encore flou, mais pas assez pour qu’on ne voie pas que, en effet, il sert les intérêts des capitalistes. En claironnant vouloir rapprocher les négociations du «  terrain  » de l’entreprise, en donnant priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche ou le Code du travail, le gouvernement entend surtout rendre les négociations plus difficiles pour les syndicats et les salarié.es, en situation de faiblesse sur ce «  terrain  » où le patron est roi. Le plafonnement des dommages-intérêts pour licenciement abusif a également pour but de rendre les salarié.es dociles, puisque susceptible de se faire éjecter pour n’importe quelle raison, à n’importe quel moment, leur employeur n’ayant au pire qu’à s’acquitter d’une obole dont le montant maximum est déterminé à l’avance (et qui peut donc être prévu par une simple ligne sur un livre de comptes). La fusion des institutions représentatives du personnel a pour but de diminuer les moyens humains et matériels des syndicats et donc les empêcher de faire leur travail de défense des intérêts des salarié.es. Ce sont les collectifs de travailleurs et travailleuses organisé.es qui sont visés, et donc les solidarités qui risquent d’être fragilisées. Enfin, le «  contrat de projet  », inspiré du contrat de chantier du BTP, combine pour l’employeur les avantages du CDI et du CDD  : le ou la salarié.e est éjectable à la fin d’un projet, à durée indéterminé mais limité dans le temps, sans indemnités. Pour le ou la salarié.e, la seule assurance est de se retrouver au chômage à plus ou moins brève échéance. L’ensemble de ce que préparent Macron et les ministres concernés a fondamentalement pour objectif de saper toute garantie pour les travailleurs et les travailleuses, qui deviendront ainsi plus dociles.

Une loi travail XXL

Quel que soit le projet final de réforme du Code du travail, on peut ainsi d’ores et déjà être sûr.e qu’il s’agira d’une loi travail XXL nécessitant une mobilisation XXL. De ce point de vue, l’existence d’une opposition de gauche supposée pouvoir servir de porte-voix au mécontentement populaire, avec 27 Insoumis et Insoumises ou communistes à l’Assemblée nationale, risque ­d’être contre-productive. Certes, des interventions auront sans doute lieu contre les réformes du Code du travail ou de l’assurance chômage, ou en soutien aux mouvements sociaux, par les Chassaigne, Autain ou Ruffin. Et l’impact médiatique de ces interventions pourra peut-être amener un certain nombre de salarié.es à se joindre aux manifestations. Mais la volonté affichée de prendre le leadership aux syndicats et, comme l’a dit Mélenchon, «  d’économiser des journées de grève grâce au bulletin de vote  » risque de semer encore plus de divisions et de démobilisation.

Construire le front social

C’est donc bien «  dans la rue  » que doit se situer la résistance. Mais «  la rue  » n’est qu’une formule qui renvoie à un moment seulement de la mobilisation des travailleurs et des travailleuses. Le travail à mener est bien plus large  : il se situe, en amont, dans les entreprises, à travers la diffusion de matériel expliquant les enjeux des lois à venir, montrant à quel point elles seront nocives à la vie quotidienne des salarié.es, de discussions informelles insistant sur la nécessité de lutter, et de réunions pour amorcer collectivement la mobilisation. Les mouvements sociaux ne naissent jamais ex nihilo, et la volonté (ou pas) de se battre des salarié.es est un paramètre qui peut se modifier à moyen terme grâce au travail de sensibilisation. Le problème ici est de pouvoir le mener pendant l’été, puisque le calendrier sera très serré en septembre. Dans ce cadre, les initiatives du Front social sont, certes, à saluer car elles ont contribué à créer un climat de tension sociale et à rappeler, avec une couverture médiatique modeste mais existante, que tout le monde n’était pas d’accord avec la politique promise par Macron. Pour mémoire, un certains nombres de militants et militantes d’Info’Com-CGT, de Sud-PTT 92 ou encore de Sud-Commerces & Services ont lancé, avant la présidentielle, une mobilisation nommée «  1er tour social  », le 22 avril à Paris, à la veille du scrutin. Cette manifestation avait été suivie, le 8 mai, soit au lendemain de l’élection de Macron, par une autre, plutôt réussie (environ 6 000 personnes ayant manifesté ce jour-là). Une troisième date, le 19 juin, un rassemblement à proximité de l’Assemblée nationale, a cependant été moins suivie (moins d’un millier de personnes place de la Concorde). Mais si toute mobilisation est bonne à prendre dans la période, où il était important de « marquer le coup » après l’accession de Macron à l’Élysée, celle du Front social demeure trop avant-­gardiste, trop dépourvue d’un véritable travail de conviction auprès des salarié.es, trop restreinte sur des fractions syndicales et sur des tendances d’extrême gauche pour avoir un impact à la hauteur des enjeux, à savoir un mouvement de grève reconductible, voire de grève générale, avec blocage de l’économie. En effet, un tel mouvement social susceptible de faire pencher le balancier en faveur du camp des travailleurs et des travailleuses nécessite un investissement d’une frange beaucoup plus importante du prolétariat, donc l’investissement de larges pans de la CGT et de la FSU, voire de Force ouvrière. Cette dernière confédération tergiverse depuis la nomination du gouvernement, et si les deux autres semblent plus susceptibles de se lancer dans la bataille, elles ne font pour le moment pas grand-chose de concret en ce sens, au-delà de communiqués plus ou moins offensifs et d’annonces de mobilisations plus ou moins fantômes.

Dépasser le piège du timing

La direction de la CGT appelle à une journée de mobilisation le 12 septembre, et l’union syndicale Solidaires s’efforce de mobiliser en interne et en externe en sollicitant les autres organisations syndicales pour définir les modalités d’un mouvement commun. Reste à voir si les organisations parviendront à dépasser le piège du timing imposé par le gouvernement, qui prévoit de passer ses ordonnances avant le 20 septembre, imposant de faire le travail de mobilisation dans l’été, avec une fenêtre étroite pour la mobilisation de rue. À moins que les salarié.es ne poursuivent la mobilisation au-delà, et ne s’offrent un automne d’intenses luttes sociales.

Vincent (AL Paris-Sud)

 
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