Migrants et migrantes

Un refuge, une cantine militante : la solidarité




Ces derniers mois, des collectifs de soutien aux migrant.es ont vu le jour dans de nombreuses villes de France. Ils ont mené une lutte active et efficace pour pallier les défaillances de l’État. À Nantes, la mobilisation est restée forte durant tout l’été pour aider les migrant.es vivant à la rue. Retour sur une lutte qui dure maintenant depuis plus d’un an.

À Nantes, on peut fixer le point de départ de la lutte actuelle au 19 novembre 2017 lorsque des militantes et militants ont investi l’ancienne école des Beaux-Arts pour mettre à l’abri des mineurs isolés étrangers qui dormaient à la rue. Après une seule nuit, le bâtiment est violemment évacué par la police, à la demande de la mairie. Quelques jours plus tard, ce sont des bâtiments sur le campus universitaire qui sont occupés  : d’abord le sous-sol du bâtiment Censive puis le Château du Ter­tre. Après un bras de fer engagé avec la présidence de l’université, la menace d’une expulsion est levée jusqu’à la rentrée de janvier. Dans un contexte de mouvement social, avec la lutte étudiante, contre la sélection à l’université et Parcoursup, l’occupation du campus durera jusqu’au 8 mars 2018, lorsque le président de l’université profitera des vacances scolaires et d’une faible présence étudiante pour autoriser les CRS à intervenir sur le campus et déloger la centaine d’occupantes et occupants.

Solidarité contre répression

Aucune solution de relogement n’est alors proposée. Dès le lendemain, un nouveau bâtiment est ouvert en centre-ville  : la résidence Bréa, ex-Ehpad. Les migrantes et migrants trouvent ainsi à nouveau un toit et de meilleures conditions de vie que sur le campus. Cette fois, c’est avec la mairie que le bras de fer s’engage et cette dernière accepte rapidement de ne pas évacuer le bâtiment avant la fin de la trêve hivernale, le 31 mars. Mais la population de la résidence augmente rapidement, passant d’une centaine d’occupantes et occupants à plus de 500 en quelques mois. La promiscuité et le manque de nourriture font naître des tensions et la situation se dégrade progressivement. Fin mai, la mairie et la préfecture décident alors d’intervenir  : un accès restreint est mis en place, une minorité des occupantes et occupants est autorisée à rester, encadrée par des associations qui travaillent avec la mairie, tandis qu’une grande partie des migrantes et migrants se retrouvent à nouveau à la rue. S’ensuit une nouvelle succession d’ouverture et d’évacuation de squats jusqu’à la fin du mois de juin où le square Daviais, en plein centre ville, devient le principal lieu de vie des migrants.

Dès le mois de novembre 2017, les migrantes et migrants ont pu trouver à Nantes un solide soutien de la part d’étudiantes et étudiants, syndicalistes, militants associatifs et politiques ou simples citoyennes et citoyens.

Si l’on s’est toujours battu pour leur trouver un toit, les Nantais.es ont également agi pour subvenir aux besoins alimentaires des migrant.es. Ainsi, à partir du mois de juillet, le collectif L’Autre Cantine a vu le jour pour servir des repas chauds et complets aux migrant.es du square Daviais.

Pour un accueil digne des migrant.es

Grâce aux dons et à l’aide de très nombreux.ses bénévoles, plus de 40 000 repas ont pu être préparés et servis depuis début juillet, chaque soir de la semaine. Des repas par ailleurs bien plus équilibrés (riz, légumes cuisinés, salades de fruits) que ceux distribués par la mairie, composés de paquets de chips et de sandwichs industriels. En parallèle de l’aide immédiate apportée aux migrant.es, une mobilisation forte et durable a permis d’établir un rapport de force avec la mairie et la préfecture à travers des actions et manifestations, poussant ainsi les pouvoirs publics à réagir.

Le 20 septembre dernier, le square Daviais est finalement évacué  : environ 700 migrant.es sont «  mis à l’abri  » dans des gymnases de la ville avant d’être prétendument pris en charge de façon plus pérenne dans des lieux d’hébergements à Nantes et sur le territoire, à partir du mois d’octobre.

Le 4 octobre, c’est la résidence Bréa qui est également évacuée  : sur les 200 occupant.es qui restaient, 127 ont été transférés dans un centre d’accueil et d’évaluation des situations, autrement dit un centre de tri d’État. La police aux frontières, présente lors de l’évacuation, a interpellé huit migrants dont quatre ont été incarcérés au centre de rétention administrative de Rennes dans l’attente de leur expulsion du territoire. Pour la soixantaine de personnes restantes, aucune solution d’hébergement, même temporaire, n’a été proposée. À chaque fois, ce n’est donc pas une prise en charge des migrant.es mais des déplacements pour mieux cacher les problèmes.

Depuis, la pression policière sur les migrant.es et leurs soutiens ne cesse de s’intensifier, tout semble permis tant que cela se fait à l’abri des regards, il ne faudrait surtout pas écorner l’image de Johanna Rolland, la maire socialiste de Nantes  ! Celle-ci martèle que la gestion de ces migrant.es relève de la compétence de l’État, qui doit prendre ses responsabilités en ouvrant davantage de places dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile. Il apparaît clairement que la maire de Nantes ne cherche qu’à se débarrasser de ce sujet gênant. Malgré l’omniprésence des mots «  solidarité  » et «  humanité  » dans ses discours, la mairie socialiste n’a aucune envie d’aider les migrant.es. Nous voyons une fois de plus que seules la mobilisation populaire et l’auto-organisation peuvent faire vivre la solidarité et que les responsables politiques n’ont que la répression à offrir.

Contrairement aux propos racistes et xénophobes que l’on peut entendre aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique, la France a la capacité d’accueillir et de prendre en charge les migrant.es qui sont déjà sur le territoire ou qui souhaitent le rejoindre. La seule barrière est celle de la décision politique. Pour diverses raisons (convictions, stratégie électorale), la question de l’accueil des migrant.es est taboue. Nous nous dressons contre cette logique et affirmons que nous pouvons et nous devons accueillir dignement ces personnes en détresse. Et si la diversité en effraie certain.es, nous pensons au contraire que c’est une richesse. Alors continuons de lutter pour un accueil inconditionnel des migrant.es. Pour des frontières ouvertes et des papiers pour toutes et tous !

Alexandre, Steph et Robin (AL Nantes)

 
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